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point, ils frappent continuellement de leur bec les bâtons de la cage, et fort souvent ils se laissent mourir[1].

Ces oiseaux font un nid bien rond et solidement tissu : il semble qu’ils n’aient pas moins d’adresse que de force dans le bec ; ils posent ce nid sur les arbres ou les arbustes les plus touffus ; ils le font quelquefois jusque dans nos jardins, sur les arbres fruitiers, mais ils le cachent avec tant de soin que souvent on a de la peine à l’apercevoir, quoiqu’on en soit fort près : ils le construisent de mousse blanche et de petites racines en dehors, de laine, de crins, de fils d’araignées et de plumes en dedans. La femelle pond cinq ou six œufs gris rougeâtres semés de taches noirâtres plus fréquentes au gros bout : le mâle ne la quitte point tandis qu’elle couve, surtout la nuit ; il se tient toujours fort près du nid, et le jour s’il s’éloigne un peu, c’est pour aller à la provision. Il se pourrait que la jalousie fût pour quelque chose dans cette grande assiduité, car ces oiseaux sont d’un naturel très jaloux : s’il se trouve deux mâles dans un même verger au printemps ils se battent avec acharnement jusqu’à ce que le plus faible cède la place ou succombe ; c’est bien pis s’ils se trouvent dans une même volière où il n’y ait qu’une femelle[2].

Les père et mère nourrissent leurs petits de chenilles et d’insectes ; ils en mangent eux-mêmes[3] ; mais ils vivent plus communément de petites graines, de celles d’épine blanche, de pavot, de bardane, de rosier, surtout de faîne, de navette et de chènevis : il se nourrissent aussi de blé, et même d’avoine dont ils savent fort bien casser les grains pour en tirer la substance farineuse ; quoiqu’ils soient d’un naturel un peu rétif, on vient à bout de les former au petit exercice de la galère, comme les chardonnerets ; ils apprennent à se servir de leur bec et de leurs pieds pour faire monter le seau dont ils ont besoin.

Le pinson est plus souvent posé que perché ; il ne marche point en sautillant, mais il coule légèrement sur la terre, et va sans cesse ramassant quelque chose ; son vol est inégal, mais lorsqu’on attaque son nid, il plane au-dessus en criant.

Cet oiseau est un peu plus petit que notre moineau : il est trop connu pour le décrire en détail ; on sait qu’il a les côtés de la tête, le devant du cou, la poitrine et les flancs d’une belle couleur vineuse ; le dessus de la tête et du corps marron ; le croupion olivâtre, et une tache blanche sur l’aile. La femelle a le bec plus effilé et les couleurs moins vives ; mais soit dans la femelle, soit dans le mâle, le plumage est fort sujet à varier : j’ai vu une

  1. Ceux que l’on prend aux gluaux meurent souvent à l’instant où on les prend, soit par le regret de la liberté, soit qu’ils aient été blessés par la chouette, soit qu’ils en aient eu peur.
  2. On conseille même de ne pas mettre plus de deux paires dans la même chambre, de peur que les mâles ne se poursuivent et qu’ils ne causent du désordre dans la volière.
  3. Aldrovande savait cela, et il ajoute que les oiseleurs donnaient aux pinsons qui leur servaient d’appeaux, une sauterelle ou quelque autre insecte pour les mettre en train de chanter ; ce qui supposerait dans ces oiseaux un appétit de préférence pour les insectes.