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différents climats : Aldrovande assure que les pinsons font rarement leur ponte aux environs de Bologne, et qu’ils s’en vont presque tous sur la fin de l’hiver pour revenir l’automne suivant. Je vois au contraire, par le témoignage de Willughby, qu’ils passent toute l’année en Angleterre, et qu’il est peu d’oiseaux que l’on y voie aussi fréquemment.

Ils sont généralement répandus dans toute l’Europe, depuis la mer Baltique et la Suède[1], où ils sont fort communs et où ils nichent, jusqu’au détroit de Gibraltar, et même jusque sur les côtes d’Afrique[2].

Le pinson est un oiseau très vif : on le voit toujours en mouvement, et cela, joint à la gaieté de son chant, a donné lieu sans doute à la façon de parler proverbiale, gai comme pinson. Il commence à chanter de fort bonne heure au printemps et plusieurs jours avant le rossignol ; il finit vers le solstice d’été : son chant a paru assez intéressant pour qu’on l’analysât ; on y a distingué un prélude, un roulement, un finale[3] ; on a donné des noms particuliers à chaque reprise, on les a presque notées, et les grands connaisseurs de ces petites choses s’accordent à dire que la dernière reprise est la plus agréable[4]. Quelques personnes trouvent son ramage trop fort, trop mordant ; mais il n’est trop fort que parce que nos organes sont trop faibles, ou plutôt parce que nous l’entendons de trop près et dans des appartements trop résonnants, où le son direct est exagéré, gâté par les sons réfléchis : la nature a fait les pinsons pour être les chantres des bois ; allons donc dans les bois pour juger leur chant, et surtout pour en jouir.

Si l’on met un jeune pinson, pris au nid, sous la leçon d’un serin, d’un rossignol, etc., il se rendra propre le chant de ses maîtres ; on en a vu plus d’un exemple[5] ; mais on n’a point vu d’oiseaux de cette espèce qui eussent appris à siffler des airs de notre musique : ils ne savent pas s’éloigner de la nature jusqu’à ce point.

Les pinsons, outre leur ramage ordinaire, ont encore un certain frémissement d’amour qu’ils font entendre au printemps, et de plus un autre cri peu

  1. Voyez Fauna Suecica, no 199.
  2. « Étant en station sur les côtes du royaume de Maroc pendant l’été, il nous vint très fréquemment des pinsons à bord ; nous croisions du trente au trente-cinquième degré de latitude ; j’ai même ouï assurer qu’on les retrouvait au cap de Bonne-Espérance. » (Note de M. le vicomte de Querhoent.)
  3. Le prélude, selon M. Frisch, est composé de trois notes ou traits semblables ; le roulement de sept notes différentes en descendant, et le finale de deux notes ou phrases : il renvoie à l’art de la chasse de Schroder, p. 138 ; et à l’Helvetia curiosa d’Emmanuel Konig, p. 831. M. Lottinger a fait aussi quelques observations sur cette matière : « Dans la colère, dit-il, le cri du pinson est simple et aigu ; dans la crainte il est plaintif, bref et souvent répété ; dans la joie, il est vif, assez suivi, et il finit par une espèce de refrain. »
  4. On la nomme en allemand, reiterzu ; en français, boute-selle.
  5. Cette facilité de s’approprier des chants étrangers explique la diversité de ramage qu’on observe dans ces oiseaux. On distingue, dans les Pays-Bas, cinq à six sortes de pinsons qui ont chacun des phrases plus ou moins longues. Voyez l’Hist. nat. des oiseaux de Salerne, page 268.