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arrive ordinairement, chaque année, à peu près au temps des vendanges ; elle semble être attirée par la maturité des raisins, et c’est pour cela, sans doute, qu’on lui a donné le nom de grive de vigne ; elle disparaît aux gelées et se remontre aux mois de mars ou d’avril, pour disparaître encore au mois de mai. Chemin faisant, la troupe perd toujours quelques traîneurs, qui ne peuvent suivre, ou qui, plus pressés que les autres par les douces influences du printemps, s’arrêtent dans les forêts qui se trouvent sur leur passage pour y faire leur ponte[1]. C’est par cette raison qu’il reste toujours quelques grives dans nos bois, où elles font leur nid sur les pommiers et les poiriers sauvages, et même sur les genévriers et dans les buissons, comme on l’a observé en Silésie[2] et en Angleterre[3]. Quelquefois elles l’attachent contre le tronc d’un gros arbre, à dix ou douze pieds de hauteur, et dans sa construction elles emploient par préférence le bois pourri et vermoulu.

Elles s’apparient ordinairement sur la fin de l’hiver, et forment des unions durables : elles ont coutume de faire deux pontes par an, et quelquefois une troisième, lorsque les premières ne sont pas venues à bien. La première ponte est de cinq ou six œufs d’un bleu foncé avec des taches noires plus fréquentes sur le gros bout que partout ailleurs, et dans les pontes suivantes le nombre des œufs va toujours en diminuant. Il est difficile, dans cette espèce, de distinguer les mâles des femelles, soit par la grosseur, qui est égale dans les deux sexes, soit par le plumage, dont les couleurs sont variables, comme je l’ai dit. Aldrovande avait vu et fait dessiner trois de ces grives, prises en des saisons différentes, et qui différaient toutes trois par la couleur du bec, des pieds et des plumes : dans l’une, les mouchetures de la poitrine étaient fort peu apparentes[4]. M. Frisch prétend néanmoins que les vieux mâles ont une raie blanche au-dessus des yeux, et

    mauvis. (Voyez Nature des oiseaux, p. 327.) Mais un coup d’œil de comparaison sur ces oiseaux, ou même sur leurs descriptions, lui eût fait connaître que le mauvis de Belon a le dessous et le pli de l’aile orangé, en quoi il ressemble à la grive rouge dont M. Salerne a fait sa quatrième espèce, et non à sa seconde espèce qu’il nomme petite grive de gui, laquelle est celle de cet article et a le dessous de l’aile roussâtre tirant un peu au citron. Voyez son Histoire des oiseaux, p. 168. Un Hollandais, qui avait voyagé, m’a assuré que notre grive ordinaire, qui est la plus commune en Hollande, y était connue, ainsi qu’à Riga et ailleurs, sous le nom de litorne. C’est la petite grive de M. Brisson et sa deuxième espèce, t. II, p. 205.

  1. M. le docteur Lottinger m’assure qu’elles arrivent aux mois de mars et d’avril dans les montagnes de la Lorraine, et qu’elles s’en retournent aux mois de septembre et d’octobre ; d’où il s’ensuivrait que c’est dans ces montagnes, ou plutôt dans les bois dont elles sont couvertes, qu’elles passent l’été, et que c’est de là qu’elles nous viennent en automne ; mais ce que dit M. Lottinger doit-il s’appliquer à toute l’espèce, ou seulement à un certain nombre de familles qui s’arrêtent en passant dans les forêts de la Lorraine, comme elles font dans les nôtres ? C’est ce qui ne peut être décidé que par de nouvelles observations.
  2. Voyez Frisch, planche 27.
  3. British Zoology, p. 91.
  4. Ornithologia, t. II, p. 581 et 601.