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produit une sorte d’émulation, des chants plus animés et des progrès réels. On a cru remarquer qu’ils chantaient plus dans une petite cage que dans une grande.

Le nom seul de ces oiseaux indique assez la nourriture qui leur convient, on ne les a nommés linottes (linariæ) que parce qu’ils aiment la graine du lin ou celle de la linaire ; on y ajoute le panis, la navette, le chènevis, le millet, l’alpiste, les graines de raves, de choux, de pavots[1], de plantain, de poirée, et quelquefois celle de melon broyée : de temps en temps du massepain, de l’épine-vinette, du mouron, quelques épis de blé, de l’avoine concassée, même un peu de sel, tout cela varié avec intelligence. Ils cassent les petites graines dans leur bec et rejettent les enveloppes ; il leur faut très peu de chènevis parce qu’il les engraisse trop, et que cette graisse excessive les fait mourir, ou tout au moins les empêche de chanter. En les nourrissant et les élevant ainsi soi-même, non seulement on leur apprendra les airs que l’on voudra avec une serinette, un flageolet, etc., mais on les apprivoisera. Olina conseille de les garantir du froid, et même il veut qu’on les traite dans leurs maladies, que l’on mette par exemple dans leur cage un petit plâtras, afin de prévenir la constipation[2] à laquelle ils sont sujets ; il ordonne l’oxymel, la chicorée et d’autres remèdes contre l’asthme, l’étisie[3] et certaines convulsions ou battements de bec que l’on prend quelquefois, et que j’ai pris moi-même pour une caresse : on dirait que ce petit animal, pressé par le sentiment, fait tous ses efforts pour l’exprimer ; on dirait qu’il parle en effet, et cette expression muette, il ne l’adresse pas indistinctement à tout le monde : quiconque aura bien observé tout cela sera tenté de croire que c’est Olina qui s’est trompé, en prenant une simple caresse pour un symptôme de maladie. Quoi qu’il en soit, il faut surtout beaucoup d’attention sur le choix et la qualité des graines que l’on donne à ces oiseaux, beaucoup de propreté dans la nourriture, le breuvage, la volière. Avec tous ces soins on peut les faire vivre en captivité cinq ou six années, suivant Olina[4], et beaucoup plus selon d’autres[5]. Ils reconnaissent les personnes qui les soignent, ils s’y attachent, viennent se poser sur elles par préférence, et les regardent avec l’air de l’affection. On peut, si l’on veut abuser de leur docilité, les accoutumer à l’exercice de la galère ; ils en prennent les habitudes aussi facilement que le tarin et le chardonneret. Ils entrent en mue aux environs de la canicule, et quelquefois beaucoup plus tard. On a vu une linotte et

  1. Gessner dit que si on ne donnait que de la graine de pavots pour toute nourriture, soit aux linottes, soit aux chardonnerets, ils deviendraient aveugles. De avibus, p. 591.
  2. Olina, p. 8.
  3. Les linottes prisonnières sont aussi sujettes au mal caduc, au bouton : les uns disent qu’elles ne guérissent jamais de ce bouton, les autres conseillent de le percer promptement et d’étuver la petite plaie avec du vin.
  4. Olina, p. 8.
  5. On en a vu une à Montbard, qui avait dix-sept ans bien constatés.