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ordinaire ; 4o Gessner[1] à Turin, Olina[2] à Rome, M. Linnæus[3] à Stockholm, Belon[4] en France, et plusieurs autres, n’ont connu dans leurs pays respectifs que des linottes rouges ; 5o des oiseleurs expérimentés de notre pays, qui ont suivi les petites chasses des oiseaux pendant plus de trente ans, n’ont jamais pris un seul linot mâle qui n’eût cette livrée rouge au degré que comportait la saison, et il est à remarquer que, dans ce même pays, on voit beaucoup de linottes grises en cage ; 6o ceux même qui admettent l’existence des linottes grises conviennent que l’on ne prend presque jamais de ces linottes, surtout en été, ce qu’ils attribuent à leur naturel défiant[5] ; 7o ajoutez que les linottes rouges et grises se ressemblent singulièrement quant au reste du plumage, à la taille, aux proportions et à la forme des parties, au ramage, aux habitudes, et il sera facile de conclure que s’il existe des linottes grises, ce sont : 1o toutes les femelles ; 2o tous les jeunes mâles de l’année avant le mois d’octobre, qui est le temps où ils commencent à marquer ; 3o celles qui, ayant été élevées à la brochette, n’ont pu prendre de rouge dans l’état de captivité ; 4o celles qui, l’ayant pris dans l’état de nature, l’ont perdu dans la cage[6] ; 5o enfin, celles en qui cette belle couleur est presque effacée par la mue, ou les maladies, ou par quelque cause que ce soit.

D’après cela, on sera peu surpris que je rapporte ces deux linottes à une seule et même espèce, et que je regarde la grise comme une variété accidentelle, que les hommes ont créée en partie, et qui ensuite a été méconnue par ses auteurs.

La linotte fait souvent son nid dans les vignes, c’est de là que lui est venu le nom de linotte de vignes ; quelquefois elle le pose à terre, mais plus fréquemment elle l’attache entre deux perches ou au cep même ; elle le fait aussi sur les genévriers, les groseilliers, les noisetiers, dans les jeunes taillis, etc. On m’a apporté un grand nombre de ces nids dans le mois de mai, quelques-uns dans le mois de juillet, et un seul dans le mois de septembre : ils sont tous composés de petites racines, de petites feuilles et de mousse au dehors, d’un peu de plumes, de crins et de beaucoup de laine au dedans. Je n’y ai jamais trouvé plus de six œufs : celui du 4 septembre n’en

  1. Voyez l’Ornithologie de M. Brisson, t. III, p. 591.
  2. Page 45.
  3. Il n’est fait aucune mention de la linotte grise dans la Fauna Suecica ; M. Klein parle d’un M. Zorn, auteur d’une lettre sur les oiseaux d’Allemagne, où il veut prouver qu’il n’y a qu’une seule espèce de linotte. J’ai entendu dire la même chose à plusieurs oiseleurs qui certainement n’avaient pas lu cette lettre, et M. Hébert, qui est fait pour la juger, est du même avis.
  4. Nature des oiseaux, p. 35.
  5. Aldrovande, t. II, p. 825.
  6. Il faut remarquer que ces oiseaux, qui ont eu des marques rouges, et qui les ont perdues, conservent aux mêmes endroits une couleur rousse approchant du rouge, que n’ont pas les jeunes élevés à la brochette, et qui par conséquent n’ont jamais eu de rouge.