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les expériences de ce genre, il s’est servi par préférence du jeune linot mâle, âgé d’environ trois semaines et commençant à avoir des ailes, non seulement à cause de sa grande docilité et de son talent pour l’imitation, mais encore à cause de la facilité de distinguer, dans cette espèce, le jeune mâle de la jeune femelle ; le mâle ayant le côté extérieur de quelques-unes des pennes de l’aile blanc jusqu’à la côte, et la femelle l’ayant seulement bordé de cette couleur.

Il résulte des expériences de ce savant que les jeunes linots élevés par différentes espèces d’alouettes, et même par une linotte d’Afrique, appelée vengoline, dont nous parlerons bientôt, avaient pris non le chant de leur père, mais celui de leur institutrice : seulement quelques-uns d’eux avaient conservé ce qu’il nomme le petit cri d’appel propre à leur espèce, et commun au mâle et à la femelle, qu’ils avaient pu entendre de leurs pères et mères avant d’en être séparés.

Il est plus que douteux que notre linotte ordinaire, nommée par quelques-uns linotte grise, soit une espèce différente de celle qui est connue sous le nom de linotte de vignes ou de linotte rouge, car : 1o les taches rouges qui distinguent les mâles de cette dernière linotte ne sont rien moins qu’un caractère constant, puisqu’elles s’effacent dans la cage, comme nous l’avons vu plus haut[1] ; 2o elles ne sont pas même un caractère exclusif, puisqu’on en reconnaît des vestiges dans l’oiseau décrit comme le mâle de la linotte grise[2], lequel mâle a les plumes de la poitrine d’un rouge obscur dans leur partie moyenne ; 3o la mue ternit et fait presque disparaître pour un temps ce rouge, qui ne reprend son éclat qu’à la belle saison, mais qui, dès la fin du mois de septembre, colore la partie moyenne des plumes de la poitrine, comme dans l’individu que M. Brisson donne pour le mâle de la linotte

    moins parfaite de leur organe, auront créé de nouvelles tournures de chant qui seront imitées par leurs petits, et deviendront héréditaires, jusqu’à ce que de nouvelles circonstances de même genre amènent de nouvelles variétés. Si l’on y prend bien garde, il n’y a pas deux oiseaux de la même espèce qui chantent exactement la même chanson, mais cependant ces variétés sont renfermées dans certaines limites,  etc. Ibidem, tiré de l’Annual Register, ann. 1773.

  1. De quatre linottes mâles, par conséquent rouges, qui me furent apportées le 12 juillet, j’en fis mettre une au grand air et trois dans la chambre, dont deux dans la même cage. Le rouge de la tête de celles-ci commençait à s’effacer le 28 août, ainsi que celui du bas de la poitrine. Le 8 septembre, une des deux fut trouvée morte dans la cage : elle avait la tête toute déplumée, et même un peu blessée. Je m’étais aperçu que l’un des oiseaux battait l’autre depuis la mue, comme s’ils se fussent méconnus à cause du changement de couleur. Le rouge de la tête de la linotte battue n’existait plus, puisque toutes les plumes étaient tombées, et celui de la poitrine était plus qu’à demi effacé.

    La troisième de celles qui étaient renfermées a mué fort tard, et a conservé son rouge jusqu’à la mue. Celle qui avait été tenue à l’air s’est échappée au bout de trois mois, et elle avait déjà perdu tout son rouge. Il résulte de cette petite expérience, ou que le grand air accélère la perte du rouge, en accélérant la mue, ou que la privation du grand air a moins de part à l’altération du plumage de ces linottes que la privation de la liberté.

  2. Voyez l’Ornithologie de M. Brisson, t. III, p. 133.