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des serins panachés, mais dont le plumage est émaillé de couleurs plus distinctes et plus vives dans les mâles que dans les femelles. Ces mâles approchent beaucoup de la femelle de notre serin vert de Provence : ils en diffèrent en ce qu’ils sont un peu plus grands, qu’ils ont le bec plus gros à proportion ; leurs ailes sont aussi mieux panachées, les pennes de la queue sont bordées d’un jaune décidé, et ils n’ont point de jaune sur le croupion.

Dans le jeune serin, les couleurs étaient encore plus faibles et moins tranchées que dans la femelle.

Mais quoi qu’il en soit de ces petites différences, il me paraît prouvé de plus en plus que les serins panachés du Cap, de Mozambique[1], de Provence, d’Italie, dérivent tous d’une souche commune, et qu’ils appartiennent à une seule et même espèce, laquelle s’est répandue et fixée dans tous les climats de l’ancien continent dont elle a pu s’accommoder, depuis la Provence et l’Italie jusqu’au cap de Bonne-Espérance et aux îles voisines ; seulement cet oiseau a pris plus de vert en Provence, plus de gris en Italie, plus de brun ou plus de panaché en Afrique, et semble présenter sur son plumage différemment varié l’influence des différents climats.

II.Le worabée.

La seconde espèce[NdÉ 1], qui nous paraît avoir plus de rapport avec les serins qu’avec aucun autre genre, est un petit oiseau d’Abyssinie dont nous avons vu la figure bien dessinée et coloriée dans les portefeuilles de M. le chevalier Bruce, sous te nom de worabée d’Abyssinie.

On retrouve, dans ce petit oiseau, non seulement les couleurs de certaines variétés appartenant à l’espèce des serins, le jaune et le noir, mais la même grandeur, à peu près la même forme totale, seulement un peu plus arrondie, le même bec et un appétit de préférence pour une graine huileuse comme le serin en a pour le mil et le panis. Mais le worabée a un goût exclusif pour la plante qui porte la graine dont je viens de parler, et qui s’appelle nuk[2] en abyssin ; il ne s’éloigne jamais beaucoup de cette plante, et ne la perd que rarement de vue.

  1. Il paraît que le serin de Mozambique n’est pas tellement propre à cette contrée, qu’il ne se rencontre ailleurs. J’ai trouvé, parmi les dessins de M. Commerson, le dessin colorié de ce serin bien caractérisé : M. Commerson l’appelle canari du Cap, et il nous apprend qu’il avait été transporté à l’île de France, où il s’était naturalisé et même beaucoup trop multiplié, et où il est connu sous le nom vulgaire d’oiseau du Cap. On peut s’attendre pareillement à retrouver, à Mozambique et dans quelques autres pays de l’Afrique, les serins panachés du Cap, peut-être même ceux des Canaries, et, suivant toute apparence, plusieurs autres variétés de cette espèce.
  2. La fleur de cette plante est jaune, et de la forme d’une crescente ou maricolde ; sa tige ne s’élève que de deux ou trois pieds : on tire de sa graine une huile dont les moines du pays font grand usage.
  1. Fringilla abyssinica Lath. [Note de Wikisource : actuellement Euplectes afer Gmelin, vulgairement euplecte vorabée, de la famille des Plocéidés].