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bonne nourriture : lorsqu’on fait nicher ces oiseaux en cage ou en cabane, souvent ils mangent trop ou prennent de préférence les aliments succulents destinés aux petits ; et la plupart tombent malades de réplétion ou d’inflammation. En les tenant en chambre, on prévient en grande partie cet inconvénient, parce qu’étant en nombre ils s’empêchent réciproquement de s’excéder. Un mâle qui mange longtemps est sûr d’être battu par les autres mâles ; il en est de même des femelles ; ces débats leur donnent du mouvement, des distractions et de la tempérance par nécessité ; c’est principalement pour cette raison qu’ils ne sont presque jamais malades en chambre pendant le temps de la nichée ; ce n’est qu’après celui de la couvée que les infirmités et les maux se déclarent : la plupart ont d’abord le bouton dont nous venons de parler ; ensuite tous sont sujets à la mue ; les uns soutiennent assez bien ce changement d’état et ne laissent pas de chanter un peu chaque jour, mais la plupart perdent la voix, et quelques-uns dépérissent et meurent. Dès que les femelles ont atteint l’âge de six ou sept ans, il en périt beaucoup dans la mue ; les mâles supportent plus aisément cette espèce de maladie, et subsistent trois ou quatre années de plus. Cependant comme la mue est un effet dans l’ordre de la nature plutôt qu’une maladie accidentelle, ces oiseaux n’auraient pas besoin de remèdes, ou les trouveraient eux-mêmes s’ils étaient élevés par leurs pères et mères dans l’état de nature et de liberté ; mais étant contraints, nourris par nous, et devenus plus délicats, la mue, qui, pour les oiseaux libres, n’est qu’une indisposition, un état de santé moins parfaite, devient pour ces captifs une maladie grave et très souvent funeste, à laquelle même il y a peu de remèdes[1]. Au reste, la mue est d’autant moins dangereuse qu’elle arrive plus tôt, c’est-à-dire en meilleure saison. Les jeunes serins muent dès la première année, six semaines après qu’ils sont nés : ils deviennent tristes, paraissent bouffis et mettent la tête dans leurs plumes ; leur duvet tombe dans cette première mue ; et à la seconde, c’est-à-dire l’année suivante, les grosses plumes, même celles des ailes et de la queue, tombent aussi. Les jeunes oiseaux des dernières couvées, qui ne sont nés qu’en septembre ou plus tard, souffrent donc beaucoup plus de la mue que ceux qui sont nés au printemps : le froid est très contraire à cet état, et ils périraient tous si on n’avait soin de les tenir alors dans un lieu tempéré et même sensiblement chaud. Tant que dure la mue, c’est-à-dire pendant six semaines ou deux mois, la nature travaille à produire des plumes nouvelles, et les molécules

  1. Pour la mue il faut un morceau d’acier, et non de fer, dans leur eau, vous la changerez trois fois par semaine ; ne leur donnez point d’autres remèdes, quoique M. Hervieux nous en indique de plusieurs sortes ; il faut seulement mettre un peu plus de chènevis dans leur nourriture ordinaire pendant ce temps critique. (Note communiquée par le R. P. Bougot.) Observez que l’on ne recommande ici l’acier au lieu du fer, que pour être sûr qu’on ne mettra pas dans l’eau du fer rouillé qui ferait plus de mal que de bien.