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Toute expression subite de la voix est, dans les animaux, un indice vif de passion ; et comme l’amour est, de toutes les émotions intérieures, celle qui les remue le plus souvent et qui les transporte le plus puissamment, ils ne manquent guère de manifester leur ardeur. Les oiseaux par leur chant, le taureau par son mugissement, le cheval par le hennissement, l’ours par son gros murmure, etc., annoncent tous un seul et même désir. L’ardeur de ce désir n’est pas, à beaucoup près, aussi grande, aussi vive dans la femelle que dans le mâle, aussi ne l’exprime-t-elle que rarement par la voix ; celle de la serine n’est tout au plus qu’un petit ton de tendre satisfaction, un signe de consentement qui n’échappe qu’après avoir écouté longtemps, et après s’être laissé pénétrer de la prière ardente du mâle, qui s’efforce d’exciter ses désirs en lui transmettant les siens. Néanmoins cette femelle a, comme toutes les autres, grand besoin de l’usage de l’amour dès qu’elle est une fois excitée, car elle tombe malade et meurt, lorsque étant séparés, celui qui a fait naître sa passion ne peut la satisfaire.

Il est rare que les serins élevés en chambre tombent malades avant la ponte ; il y a seulement quelques mâles qui s’excèdent et meurent d’épuisement : si la femelle devient malade pendant la couvée, il faut lui ôter ses œufs et les donner à une autre, car quand même elle se rétablirait promptement elle ne les couverait plus. Le premier symptôme de la maladie surtout dans le mâle, est la tristesse ; dès qu’on ne lui voit pas sa gaieté ordinaire, il faut le mettre seul dans une cage et le placer au soleil dans la chambre où réside sa femelle. S’il devient bouffi, on regardera s’il n’a pas un bouton au-dessus de la queue ; lorsque ce bouton est mûr et blanc, l’oiseau le perce souvent lui-même avec le bec, mais si la suppuration tarde trop on pourra ouvrir le bouton avec une grosse aiguille, et ensuite étuver la plaie avec de la salive sans y mêler de sel, ce qui la rendrait trop cuisante sur la plaie. Le lendemain on lâchera l’oiseau malade, et l’on reconnaîtra par son maintien et son empressement auprès de sa femelle s’il est guéri ou non. Dans ce dernier cas, il faut le reprendre, lui souffler avec un petit tuyau de plume du vin blanc sous les ailes, le remettre au soleil, et reconnaître en le lâchant le lendemain l’état de sa santé : si la tristesse et le dégoût continuent après ces petits remèdes, on ne peut guère espérer de le sauver ; il faudra dès lors le remettre en cage séparée et donner à sa femelle un autre mâle ressemblant à celui qu’elle perd, ou, si cela ne se peut, on tâchera de lui donner un mâle de la même espèce qu’elle ; il y a ordinairement plus de sympathie entre ceux qui se ressemblent qu’avec les autres, à l’exception des serins isabelles, qui donnent la préférence à des femelles d’autre couleur. Mais il faut que ce nouveau mâle, qu’on veut substituer au premier, ne soit point un novice en amour, et que par conséquent il ait déjà niché. Si la femelle tombe malade, on lui fera le même traitement qu’au mâle.

La cause la plus ordinaire des maladies, est la trop abondante ou la trop