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sont susceptibles de toutes les bonnes impressions et doués des meilleures inclinations ; ils récréent sans cesse leur femelle par leur chant ; ils la soulagent dans la pénible assiduité de couver ; ils l’invitent à changer de situation, à leur céder la place, et couvent eux-mêmes tous les jours pendant quelques heures ; ils nourrissent aussi leurs petits, et enfin ils apprennent tout ce qu’on peut leur montrer. C’est par ceux-ci seuls qu’on doit juger l’espèce, et je n’ai fait mention des autres que pour démontrer que le caractère, même dans les animaux, vient de la nature, et n’appartient pas à l’éducation.

Au reste, le mauvais naturel apparent qui leur fait casser les œufs et tuer leurs petits vient souvent de leur tempérament et de leur trop grande pétulance en amour ; c’est pour jouir de leur femelle plus pleinement et plus souvent qu’ils la chassent du nid et lui ravissent les plus chers objets de son affection : aussi, la meilleure manière de faire nicher ces oiseaux n’est pas de les séparer et de les mettre en cabane ; il vaut beaucoup mieux leur donner une chambre bien exposée au soleil, et au levant d’hiver ; ils s’y plaisent davantage et y multiplient mieux ; car s’ils sont en cage ou en cabane avec une seule femelle, ils lui casseront ses œufs pour en jouir de nouveau ; dans la chambre, au contraire, où il doit y avoir plus de femelles que de mâles, ils en chercheront une autre et laisseront la première couver tranquillement. D’ailleurs les mâles, par jalousie, ne laissent pas de se donner entre eux de fortes distractions, et lorsqu’ils en voient un trop ardent tourmenter sa femelle et vouloir casser les œufs, ils le battent assez pour amortir ses désirs.

On leur donnera, pour faire les nids, de la charpie de linge fin, de la bourre de vache ou de cerf qui n’ait pas été employée à d’autres usages, de la mousse et du petit foin sec et très menu. Les chardonnerets et les tarins qu’on met avec les serines, lorsqu’on veut se procurer des métis, emploient le petit foin et la mousse de préférence, mais les serins se servent plutôt de la bourre et de la charpie ; il faut qu’elle soit bien hachée, crainte qu’il n’enlève les œufs avec cette espèce de filasse qui s’embarrasserait dans leurs pieds.

Pour les nourrir, on établit dans la chambre une trémie percée tout à l’entour, de manière qu’ils puissent y passer la tête. On mettra dans cette trémie une portion du mélange suivant : trois pintes de navette, deux d’avoine, deux de millet, et enfin une pinte de chènevis, et tous les douze ou treize jours on regarnira la trémie, prenant garde que toutes ces graines soient bien nettes et bien vannées. Voilà leur nourriture tant qu’ils n’ont que des œufs, mais la veille que les petits doivent éclore on leur donnera un échaudé sec et pétri sans sel, qu’on leur laissera jusqu’à ce qu’il soit mangé, après quoi on leur donnera des œufs cuits durs ; un seul œuf dur, s’il n’y a que deux mâles et quatre femelles ; deux œufs, s’il y a quatre mâles et huit femelles, et ainsi à proportion du nombre : on ne leur donnera ni