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de les accoutumer un peu à l’esclavage ; mais presque jamais on n’a pu en faire des oiseaux vraiment privés.

On remarque encore aujourd’hui quelques traces de cet usage des anciens, perfectionné par les modernes, dans celui où l’on est en certaines provinces de France d’attacher au haut des arbres fréquentés par les grives des pots où elles puissent trouver un abri commode et sûr sans perdre la liberté et où elles ne manquent guère de pondre leurs œufs[1], de les couver et d’élever leurs petits ; tout cela se fait plus sûrement dans ces espèces de nids artificiels que dans ceux qu’elles auraient faits elles-mêmes, ce qui contribue doublement à la multiplication de l’espèce, soit par la conservation de la couvée, soit parce que, perdant moins de temps à arranger leurs nids, elles peuvent faire aisément deux pontes chaque année[2]. Lorsqu’elles ne trouvent point de pots préparés, elles font leurs nids sur les arbres et même dans les buissons, et les font avec beaucoup d’art ; elles les revêtissent par dehors de mousse, de paille, de feuilles sèches, etc., mais le dedans est fait d’une sorte de carton assez ferme, composé avec de la boue mouillée, gâchée et battue, fortifiée avec des brins de paille et de petites racines ; c’est sur ce carton que la plupart des grives déposent leurs œufs à cru et sans aucun matelas, au contraire de ce que font les pies et les merles.

Ces nids sont des hémisphères creux, d’environ quatre pouces de diamètre. La couleur des œufs varie, selon les diverses espèces, du bleu au vert, avec quelques petites taches obscures, plus fréquentes au gros bout que partout ailleurs. Chaque espèce a aussi son cri différent, quelquefois même on est venu à bout de leur apprendre à parler[3], ce qui doit s’entendre de la grive proprement dite ou de la draine, qui paraissent avoir les organes de la voix plus perfectionnés.

On prétend que les grives, avalant les graines entières du genièvre, du gui, du lierre, etc., les rendent souvent assez bien conservées pour pouvoir germer et produire lorsqu’elles tombent en terrain convenable[4] ; cependant Aldrovande assure avoir fait avaler à ces oiseaux des raisins de vigne sauvage et des baies de gui, sans avoir jamais retrouvé dans leurs excréments aucune de ces graines qui eût conservé sa forme[5].

Les grives ont le ventricule plus ou moins musculeux, point de jabot, ni même de dilatation de l’œsophage qui puisse en tenir lieu, et presque point

  1. Voyez Belon, Nature des oiseaux, p. 326.
  2. Il paraît même qu’elles font quelquefois trois couvées, car M. Salerne a trouvé au commencement de septembre un nid de grives de vigne où il y avait trois œufs qui n’étaient point encore éclos, ce qui avait bien l’air d’une troisième ponte. Voyez son Histoire naturelle des Oiseaux, p. 169.
  3. « Agrippina conjux Cl. Cæsaris turdum habuit, quod nunquam ante, imitantem sermones hominum. » Plin., lib. x, cap. xlii. Voyez aussi le Traité du Rossignol, p. 93.
  4. « Disseminator visci, ilicis… juniperi. » Linnæus, Syst. nat., édit. X, p. 168.
  5. Ornithologia, t. II, p. 585.