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l’autre. Il en est de même des moutons, ce n’est qu’avec des béliers étrangers qu’on peut en relever les races, et jamais une belle brebis avec un petit bélier commun ne produira que des agneaux tout aussi communs. Il me resterait plusieurs choses à dire sur cette matière importante, mais ici ce serait se trop écarter de notre sujet, dont néanmoins l’objet le plus intéressant, le plus utile pour l’histoire de la nature, serait l’exposition de toutes les observations qu’on a déjà faites et que l’on pourrait faire encore sur le mélange des animaux. Comme beaucoup de gens s’occupent ou s’amusent de la multiplication des serins, et qu’elle se fait en peu de temps, on peut aisément tenter un grand nombre d’expériences sur leurs mélanges avec des oiseaux différents, ainsi que sur les produits ultérieurs de ces mélanges : je suis persuadé que par la réunion de toutes ces observations et leur comparaison avec celles qui ont été faites sur les animaux et sur l’homme, on parviendrait à déterminer peut-être assez précisément l’influence, la puissance effective du mâle dans la génération, relativement à celle de la femelle, et par conséquent désigner les rapports généraux par lesquels on pourrait présumer que tel mâle convient ou disconvient à telle ou telle femelle, etc.

Néanmoins il est vrai que dans les animaux comme dans l’homme, et même dans nos petits oiseaux, la disconvenance du caractère, ou si l’on veut la différence des qualités morales, nuit souvent à la convenance des qualités physiques. Si quelque chose peut prouver que le caractère est une impression bonne ou mauvaise donnée par la nature, et dont l’éducation ne peut changer les traits, c’est l’exemple de nos serins : « Ils sont presque tous (dit M. Hervieux) différents les uns des autres par leurs inclinations ; il y a des mâles d’un tempérament toujours triste, rêveurs, pour ainsi dire, et presque toujours bouffis, chantant rarement, et ne chantant que d’un ton lugubre… ; qui sont des temps infinis à apprendre et ne savent jamais que très imparfaitement ce qu’on leur a montré, et le peu qu’ils savent ils l’oublient aisément… Ces mêmes serins sont souvent d’un naturel si malpropre qu’ils ont toujours les pattes et la queue sales ; ils ne peuvent plaire à leur femelle, qu’ils ne réjouissent jamais par leur chant, même dans le temps que ses petits viennent d’éclore, et d’ordinaire ces petits ne valent pas mieux que leur père… Il y a d’autres serins qui sont si mauvais qu’ils tuent la femelle qu’on leur donne, et qu’il n’y a d’autre moyen de les dompter qu’en leur en donnant deux ; elles se réuniront pour leur défense commune, et l’ayant d’abord vaincu par la force, elles le vaincront ensuite par l’amour[1]. Il y en a

  1. Il arrive quelquefois que ces mauvais mâles ont d’ailleurs d’autres qualités qui réparent en quelque sorte ce défaut, comme par exemple d’avoir un chant fort mélodieux, un beau plumage et d’être fort familiers ; si vous voulez donc les garder pour les faire nicher, vous prendrez deux femelles bien fortes et d’un an plus vieilles que ce mauvais mâle que vous voulez leur donner ; vous mettrez ces deux femelles quelques mois ensemble dans la même cage, afin qu’elles se connaissent bien et n’étant pas jalouses l’une de l’autre, lorsqu’elles n’auront qu’un même mâle elles ne se battront pas. Un mois devant le temps qu’on les met