Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certain ni aussi nombreux, à beaucoup près, que dans les espèces pures ; ces métis ne font ordinairement qu’une ponte par an, et rarement deux ; souvent les œufs sont clairs, et la production réelle dépend de plusieurs petites circonstances qu’il n’est pas possible de reconnaître et moins encore d’indiquer précisément. On prétend que parmi ces métis il se trouve toujours beaucoup plus de mâles que de femelles. « Une femelle de canari et un chardonneret (dit le P. Bougot) m’ont, dans la même année, produit en trois pontes dix-neuf œufs qui tous ont réussi ; dans ces dix-neuf petits mulets il n’y avait que trois femelles sur seize mâles. » Il serait bon de constater ce fait par des observations réitérées. Dans les espèces pures de plusieurs oiseaux, comme dans celle de la perdrix, on a remarqué qu’il y a aussi plus de mâles que de femelles. La même observation a été faite sur l’espèce humaine : il naît environ dix-sept garçons sur seize filles dans nos climats ; on ignore quelle est la proportion du nombre des mâles et de celui des femelles dans l’espèce de la perdrix, on sait seulement que les mâles sont en plus grand nombre, parce qu’il y a toujours des bourdons vacants dans le temps du pariage : mais il n’est pas à présumer que dans aucune espèce pure le nombre des mâles excède celui des femelles autant que seize excède trois, c’est-à-dire autant que dans l’espèce mêlée de la serine et du chardonneret. J’ai ouï dire seulement qu’il se trouvait de même plus de femelles que de mâles dans le nombre des mulets qui proviennent de l’âne et de la jument ; mais je n’ai pu me procurer sur cela des informations assez exactes pour qu’on doive y compter. Il s’agirait donc (et cela serait assez facile) de déterminer par des observations combien il naît de mâles, et combien de femelles dans l’espèce pure du canari, et voir ensuite si le nombre des mâles est encore beaucoup plus grand dans les métis qui proviennent des espèces mêlées du chardonneret et de la serine. La raison qui me porte à le croire, c’est qu’en général le mâle influe plus que la femelle sur la force et la qualité des races. Au reste, ces oiseaux métis, qui sont plus forts et qui ont la voix plus perçante, l’haleine plus longue que les canaris de l’espèce pure, vivent aussi plus longtemps. Mais il y a une observation constante qui porte sur les uns et sur les autres, c’est que, plus ils travaillent à la propagation et plus ils abrègent leur vie. Un serin mâle, élevé seul et sans communication avec une femelle, vivra communément treize ou quatorze ans ; un métis provenant du chardonneret, traité de même, vit dix-huit et même dix-neuf ans. Un métis provenant du tarin, et également privé de femelles, vivra quinze ou seize ans, tandis que le serin mâle, auquel on donne une femelle ou plusieurs, ne vit guère que dix ou onze ans, le métis tarin onze ou douze ans, et le métis chardonneret quatorze ou quinze : encore faut-il avoir l’attention de les séparer tous de leurs femelles après les pontes, c’est-à-dire depuis le mois d’août jusqu’au mois de mars : sans cela, leur passion les use et leur vie se raccourcit encore de deux ou trois années.