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ment, et il est rare d’en trouver qui puissent répéter un seul air sans y manquer.

Lorsqu’on veut se procurer des oiseaux par le mélange du chardonneret avec la serine de Canaries, il faut que le chardonneret ait deux ans et la serine un an, parce qu’elle est plus précoce, et pour l’ordinaire ils réussissent mieux quand on a pris la précaution de les élever ensemble ; néanmoins cela n’est pas absolument nécessaire, et l’auteur du Traité des Serins[1] se trompe en assurant qu’il ne faut pas que la serine se soit auparavant accouplée avec un mâle de son espèce, que cela l’empêcherait de recevoir les mâles d’une autre espèce. Voici un fait tout opposé : « Il m’est arrivé (dit le P. Bougot) de mettre ensemble douze canaris, quatre mâles et huit femelles ; du mouron de mauvaise qualité fit mourir trois de ces mâles, et toutes les femelles perdirent leur première ponte. Je m’avisai de substituer aux trois mâles morts trois chardonnerets mâles pris dans un battant, je les lâchai dans la volière au commencement de mai. Sur la fin de juillet, j’eus deux nids de petits mulets qui réussirent on ne peut pas mieux, et l’année suivante j’ai eu trois pontes de chaque chardonneret mâle avec les femelles canaris. Les femelles canaris ne produisent ordinairement avec le chardonneret que depuis l’âge d’un an jusqu’à quatre, tandis qu’avec leurs mâles naturels elles produisent jusqu’à huit ou neuf ans d’âge : il n’y a que la femelle commune panachée qui produise au delà de l’âge de quatre ans avec le chardonneret. Au reste, il ne faut jamais lâcher le chardonneret dans une volière, parce qu’il détruit les nids et casse les œufs des autres oiseaux. » On voit que les serines, quoique accoutumées aux mâles de leur espèce, ne laissent pas de se prêter à la recherche des chardonnerets, et ne s’en unissent pas moins avec eux. Leur union est même aussi féconde qu’avec leurs mâles naturels, puisqu’elles font trois pontes dans un an avec le chardonneret ; il n’en est pas de même de l’union du mâle linotte avec la serine : il n’y a, pour l’ordinaire, qu’une seule ponte, et très rarement deux dans l’année.

Ces oiseaux bâtards, qui proviennent du mélange des canaris avec les tarins, les chardonnerets, etc., ne sont pas des mulets stériles, mais des métis féconds qui peuvent s’unir et produire non seulement avec leurs races maternelle ou paternelle, mais même reproduire entre eux des individus féconds dont les variétés peuvent aussi se mêler et se perpétuer[2]. Mais il faut convenir que le produit de la génération dans ces métis n’est pas aussi

  1. Traité des serins des Canaries, p. 263.
  2. M. Sprengel a fait plusieurs observations sur les canaris mulets, et a suivi à cet effet très exactement la multiplication des oiseaux qui provenaient de l’accouplement des serins avec les chardonnerets, et cet oiseleur assure que les mulets provenus de ces oiseaux ont multiplié entre eux et avec leurs races paternelle et maternelle ; les preuves qu’il en donne ne laissent même rien à désirer à ce sujet, quoiqu’on ait toujours regardé avant lui les serins mulets comme stériles. Amusements innocents, p. 45.