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avec le mâle linotte ; enfin elle peut produire, quoique plus difficilement, avec les mâles pinsons, bruants et moineaux, tandis que le serin mâle ne peut féconder aucune de ces dernières femelles. La nature est donc plus ambiguë et moins constante, et le type de l’espèce moins ferme dans la femelle que dans le mâle : celui-ci en est le vrai modèle, la trempe en est beaucoup plus forte que celle de la femelle qui se prête à des modifications diverses, et même subit des altérations par le mélange des espèces étrangères. Dans le petit nombre d’expériences que j’ai pu faire sur le mélange de quelques espèces voisines d’animaux quadrupèdes, j’ai vu que la brebis produit aisément avec le bouc, et que le bélier ne produit point avec la chèvre : on m’a assuré qu’il y avait exemple de la production du cerf avec la vache, tandis que le taureau ne s’est jamais joint à la biche ; la jument produit plus aisément avec l’âne que le cheval avec l’ânesse. Et, en général, les races tiennent toujours plus du mâle que de la femelle. Ces faits s’accordent avec ceux que nous venons de rapporter au sujet du mélange des oiseaux. On voit que la femelle canari peut produire avec le venturon, le cini, le tarin, le chardonneret, la linotte, le pinson, le bruant et le moineau ; tandis que le mâle canari ne produit aisément qu’avec la femelle du tarin, difficilement avec celle du chardonneret, et point avec les autres. On peut donc en conclure que la femelle appartient moins rigoureusement à son espèce que le mâle, et qu’en général c’est par les femelles que se tiennent de plus près les espèces voisines. Il est bien évident que la serine approche beaucoup plus que le serin de l’espèce du bruant, de la linotte, du pinson et du moineau, puisqu’elle s’unit et produit avec tous, tandis que son mâle ne veut s’unir ni produire avec aucune femelle de ces mêmes espèces. Je dis ne veut, car ici la volonté peut faire beaucoup plus qu’on ne pense, et peut-être n’est-ce que faute d’une volonté ferme que les femelles se laissent subjuguer et souffrent des recherches étrangères et des unions disparates. Quoi qu’il en soit, on peut, en examinant les résultats du mélange de ces différents oiseaux, tirer des inductions qui s’accordent avec tout ce que j’ai dit au sujet de la génération des animaux et de leur développement : comme cet objet est important, j’ai cru devoir donner ici les principaux résultats du mélange des canaris, soit entre eux, soit avec les espèces que nous venons de citer.

La première variété, qui paraît constituer deux races distinctes dans l’espèce du canari, est composée des canaris panachés et de ceux qui ne le sont pas. Les blancs ne sont jamais panachés non plus que les jaunes citron : seulement lorsque ces derniers ont quatre ou cinq ans, l’extrémité des ailes et la queue deviennent blanches. Les gris ne sont pas d’une seule couleur grise ; il y a sur le même oiseau des plumes plus ou moins grises, et dans un nombre de ces oiseaux gris il s’en trouve d’un gris plus clair, plus foncé, plus brun et plus noir. Les agates sont de couleur uniforme, seulement il y