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lieu que le friquet se tourne plus lestement et marche mieux. L’espèce en est beaucoup moins nombreuse que celle du moineau, et il y a toute apparence que leur ponte, qui n’est que de quatre ou cinq œufs, ne se répète pas et se borne à une seule couvée, car les friquets se rassemblent en grande troupe dès la fin de l’été et demeurent ensemble pendant tout l’hiver ; il est aisé, dans cette saison, d’en prendre un grand nombre sur les buissons où ils gîtent.

Cet oiseau, lorsqu’il est posé, ne cesse de se remuer, de se tourner, de frétiller, de hausser et baisser sa queue ; et c’est de tous ces mouvements, qu’il fait d’assez bonne grâce, que lui est venu le nom de friquet : quoique moins hardi que le moineau il ne fuit pas l’homme, souvent même il accompagne les voyageurs et les suit sans crainte ; il vole en tournant et toujours assez bas, car on ne le voit point se percher sur de grands arbres, et ceux qui lui ont donné le nom de moineau de noyer ont confondu le friquet avec la soulcie, qui se tient en effet sur les arbres élevés, et particulièrement sur les noyers.

Cette espèce est sujette à varier : plusieurs naturalistes ont donné le moineau de montagne, le moineau à collier et le moineau fou des Italiens, comme des espèces différentes de celle du friquet : cependant le moineau fou et le friquet sont absolument le même oiseau, et les deux autres espèces n’en sont que de très légères variétés : après avoir comparé les descriptions, les figures et les oiseaux en nature, il nous a paru que tous quatre n’étaient dans le fond que le même oiseau, et que ces quatre espèces nominales doivent se réduire à une seule espèce réelle, qui est celle du friquet[1].

La preuve que le passera mattugia ou moineau fou des Italiens[2] est le friquet même, ou tout au plus une simple variété de ce cette espèce, dont il ne diffère que par la distribution des couleurs, c’est qu’Olina[3], qui en donne la description et la figure, dit positivement qu’on l’a nommé passera mattugia, moineau fou, parce qu’il ne peut rester un seul moment sans remuer[4] ; et c’est à ce même mouvement continuel qu’on doit, comme je l’ai dit, attribuer l’origine de son nom français. Ne serait-il pas plus singulier que cet oiseau si peu rare en France, ne se trouvât point en Italie, comme l’ont écrit nos nomenclateurs modernes qui n’ont pas reconnu que le moineau fou d’Italie était notre friquet ? Il paraît au contraire qu’il y a plus de variétés de cette espèce en Italie qu’en France : elle s’est donc

  1. Le moineau de montagne et le moineau à collier sont le même oiseau, et ils ne diffèrent du friquet que par un collier blanc ou blanchâtre qu’ils portent au haut du cou.
  2. Passera mattuggia. Olina, p. 48, avec figure. — Passer stultus Bonnoniensium. Aldrov., Avi., t. II, p. 563.
  3. Passera montanina. Olina, p. 48, avec figure.
  4. Passer sylvestris. Aldrov., t. II, p. 561… Passer pusillus in juglandibus degens. Idem, ibid., p. 563.