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Des quatre espèces principales appartenant à notre climat, les deux premières, qui sont la grive et la draine, ont de l’analogie entre elles : toutes deux paraissent moins assujetties à la nécessité de changer de lieu, puisqu’elles font souvent leur ponte en France, en Allemagne, en Italie, en un mot dans le pays où elles ont passé l’hiver ; toutes deux chantent très bien et sont du petit nombre des oiseaux dont le ramage est composé de différentes phrases ; toutes deux paraissent d’un naturel sauvage et moins social, car elles voyagent seules, selon quelques observateurs. M. Frisch reconnaît encore, entre ces deux espèces, d’autres traits de conformité dans les couleurs du plumage et l’ordre de leur distribution, etc.[1].

Les deux autres espèces, je veux dire la litorne et le mauvis, se ressemblent aussi de leur côté en ce qu’elles vont par bandes nombreuses, qu’elles sont plus passagères, qu’elles ne nichent presque jamais dans notre pays, et que par cette raison elles n’y chantent l’une et l’autre que très rarement[2], en sorte que leur chant est inconnu non seulement au plus grand nombre des naturalistes, mais encore à la plupart des chasseurs. Elles ont plutôt un gazouillement qu’un chant, et quelquefois, lorsqu’elles se trouvent une vingtaine sur un peuplier, elles babillent toutes à la fois et font un très grand bruit et très peu mélodieux.

En général, parmi les grives, les mâles et les femelles sont à peu près de même grosseur et également sujets à changer de couleur d’une saison à l’autre[3] : toutes ont la première phalange du doigt extérieur unie à celle du doigt du milieu, les bords du bec échancrés vers la pointe, et aucune ne vit de grains, soit qu’ils ne conviennent point à leur appétit, soit qu’elles aient le bec ou l’estomac trop faible pour les broyer ou les digérer. Les baies sont le fond de leur nourriture, d’où leur est venue la dénomination de baccivores : elles mangent aussi des insectes, des vers, et c’est pour attraper ceux qui sortent de terre après les pluies qu’on les voit courir alors dans les champs et gratter la terre, surtout les draines et les litornes ; elles font la même chose l’hiver dans les endroits bien exposés où la terre est dégelée.

Leur chair est un très bon manger, surtout celle de nos première et quatrième espèces, qui sont la grive proprement dite et le mauvis ; mais les anciens Romains en faisaient encore plus de cas que nous[4] et ils conservaient ces oiseaux toute l’année dans des espèces de volières qui méritent d’être connues.

  1. Voyez Frisch, planche 27.
  2. Frisch, planche 28. — « In æstate apud nos, dit Turner, aut rarò aut nunquam videtur turdus pilaris, in hieme verò tanta copia est ut nullius avis major sit. »
  3. « Alius eis hieme color, alius æstate. » Aristot.
  4. Inter aves turdus…
    Inter quadrupedes gloria prima lepus.

    Martial.