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sommet de ces arbres et les construisent avec les mêmes matériaux, c’est-à-dire avec du foin en dehors et de la plume en dedans ; mais ce qu’il y a de singulier, c’est qu’ils y ajoutent une espèce de calotte par-dessus qui couvre le nid, en sorte que l’eau de la pluie ne peut y pénétrer, et ils laissent une ouverture pour entrer au-dessous de cette calotte, tandis que, quand ils établissent leur nid dans des trous ou dans des lieux couverts, ils se dispensent avec raison de faire cette calotte, qui devient inutile puisqu’il est à couvert. L’instinct se manifeste donc ici par un sentiment presque raisonné et qui suppose au moins la comparaison de deux petites idées. Il se trouve aussi des moineaux plus paresseux, mais en même temps plus hardis que les autres, qui ne se donnent pas la peine de construire un nid, et qui chassent du leur les hirondelles à cul blanc ; quelquefois ils battent les pigeons, les font sortir de leur boulin et s’y établissent à leur place ; il y a, comme l’on voit, dans ce petit peuple, diversité de mœurs, et par conséquent un instinct plus varié, plus perfectionné que dans la plupart des autres oiseaux, et cela vient sans doute de ce qu’ils fréquentent la société ; ils sont à demi domestiques, sans être assujettis ni moins indépendants ; ils en tirent tout ce qui leur convient sans y mettre rien du leur, et ils y acquièrent cette finesse, cette circonspection, cette perfection d’instinct qui se marque par la variété de leurs habitudes relatives aux situations, aux temps et aux autres circonstances.


OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AU MOINEAU

I.Le moineau du Sénégal.

L’oiseau[NdÉ 1] représenté dans nos planches enluminées, no 223, fig. 1, sous la dénomination de moineau du Sénégal, et auquel nous ne donnerons pas d’autre nom parce qu’il nous paraît être de la même espèce que notre moineau d’Europe, dont il ne diffère que par la couleur du bec, le sommet de la tête et les parties inférieures du corps, qu’il a rougeâtres, tandis que dans le moineau d’Europe le bec est brun, le sommet de la tête et les parties inférieures du corps sont grises ; mais comme la grandeur, la forme, la position du corps, du bec, de la queue, des pieds, tout le reste, en un mot, nous a paru semblable, nous ne pouvons guère douter de l’identité de l’espèce de cet oiseau du Sénégal avec

  1. Fringilla quelea L. [Note de Wikisource : actuellement Quelea quelea Linnæus, vulgairement travailleur à bec rouge ; c’est un Plocéidé].