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jaune clair, mais qui prend une teinte de brun à l’endroit où il s’approche du noir de la partie antérieure, comme si dans ces endroits ces deux couleurs se fondaient en une seule ; les plumes scapulaires sont noirâtres, les couvertures des ailes brunes, bordées de gris, les pennes des ailes et de la queue brunes, bordées de jaune, et les pieds d’un gris rougeâtre.

Ce que l’histoire du gros-bec d’Abyssinie offre de plus singulier, c’est la construction de son nid et l’espèce de prévoyance qu’elle suppose dans cet oiseau, et qui lui est commune avec le toucnam-courvi et le baglafecht. La forme de ce nid est à peu près pyramidale, et l’oiseau a l’attention de le suspendre toujours au-dessus de l’eau, à l’extrémité d’une petite branche : l’ouverture est sur l’une des faces de la pyramide, ordinairement tournée à l’est ; la cavité de cette pyramide est séparée en deux par une cloison, ce qui forme, pour ainsi dire, deux chambres : la première où est l’entrée du nid, est une espèce de vestibule où l’oiseau s’introduit d’abord, ensuite il grimpe le long de la cloison intermédiaire, puis il redescend jusqu’au fond de la seconde chambre, où sont les œufs. Par l’artifice assez compliqué de cette construction, les œufs sont à couvert de la pluie de quelque côté que souffle le vent, et il faut remarquer qu’en Abyssinie la saison des pluies dure six mois ; car c’est une observation générale que les inconvénients exaltent l’industrie, à moins qu’étant excessifs, ils ne la rendent inutile et ne l’étouffent entièrement. Ici il y avait à se garantir non seulement de la pluie, mais des singes, des écureuils, des serpents, etc. L’oiseau semble avoir prévu tous ces dangers, et, par des précautions raisonnées, les avoir écartés de sa géniture. Cette espèce est nouvelle, et nous devons tout ce que nous en avons dit à M. le chevalier Bruce.

XIX.Le guifso balito[1].

Il n’est point d’espèce européenne avec laquelle cet oiseau étranger[NdÉ 1] ait plus de rapport que celle de nos gros-becs : comme eux, il fuit les lieux habités et vit retiré dans les bois solitaires : comme eux, il est assez peu sensible aux plaisirs de l’amour, puisqu’il ne connaît pas le plaisir de chanter ; comme eux enfin il ne se fait guère entendre que par les coups de bec réitérés dont il perce les noyaux pour en tirer l’amande ; mais il diffère des grocs-becs par deux traits assez marqués : premièrement, son bec est dentelé sur les bords ; en second lieu, ses pieds n’ont que trois doigts, deux en avant et un en arrière : disposition remarquable, et qui n’a lieu que dans un petit nombre d’espèces. Ces deux traits de dissemblance m’ont paru

  1. Le nom entier de cet oiseau, tel qu’il se trouve sur les figures de M. le chevalier Bruce, est guifso batito dimmo-won jerck.
  1. Loxia tridactyla Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Lybius guifsobalito Hermann, vulgairement Barbican guifsobalito ; cet oiseau n’est pas même un passereau, mais un pic, à rapprocher des cabézons et des toucans].