Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nées, puisqu’il se trouve également ailleurs, et que dans certaines saisons il y en a partout de cette couleur. Selon Frisch, qui connaissait parfaitement ces oiseaux, qui sont communs en Allemagne, la couleur du mâle adulte est rougeâtre ou d’un vert mêlé de rouge ; mais ils perdent ce rouge, comme les linotes, lorsqu’on les tient en cage, et ne conservent que le vert, qui est la couleur la plus fixe, tant dans les jeunes que dans les vieux ; c’est par cette raison qu’on l’appelle en quelques endroits de l’Allemagne krinis ou grünitz, comme qui dirait oiseau verdâtre. Ainsi les deux extrêmes de couleur n’ont pas été bien saisis par M. Edwards : il n’est pas à présumer, comme ses figures coloriées l’indiquent, que le mâle soit rouge et la femelle verte, et tout porte à croire que, dans la même saison et au même âge, la femelle ne diffère du mâle qu’en ce qu’elle a les couleurs plus faibles.

Cet oiseau, qui a tant de rapport au gros-bec, lui ressemble encore par son peu de génie ; il est plus bête que les autres oiseaux, on l’approche aisément, on le tire sans qu’il fuie, on le prend quelquefois à la main ; et comme il est aussi peu agile que peu défiant, il est la victime de tous les oiseaux de proie : il est muet pendant l’été, et sa voix, qui est fort peu de chose, ne se fait entendre qu’en hiver[1] ; il n’a nulle impatience dans la captivité, il vit longtemps en cage ; on le nourrit avec du chènevis écrasé, mais cette nourriture contribue à lui faire perdre plus promptement son rouge[2]. Au reste on prétend qu’en été sa chair est assez bonne à manger[3].

Ces oiseaux ne se plaisent que dans les forêts noires de pins et de sapins ; ils semblent craindre le beau jour et ils n’obéissent point à la douce influence des saisons : ce n’est pas au printemps mais au fort de l’hiver que commencent leurs amours ; ils font leurs nids dès le mois de janvier, et leurs petits sont déjà grands lorsque les autres oiseaux ne commencent qu’à pondre ; ils établissent le nid sous les grosses branches des pins et l’y attachent avec la résine de ces arbres ; ils l’enduisent de cette matière, en sorte que l’humidité de la neige ou des pluies ne peut guère y pénétrer ; les jeunes ont, comme les autres oiseaux, le bec, ou plutôt les coins de l’ouverture du bec jaunes, et ils le tiennent toujours ouvert tant qu’ils sont dans l’âge de recevoir la becquée. On ne dit pas combien ils font d’œufs, mais on peut présumer par leur grandeur, leur taille et leurs autres rapports avec les gros-becs, qu’ils en pondent quatre ou cinq, et qu’ils ne produisent qu’une seule fois dans l’année.

  1. Gessner, loco citato.
  2. Idem, ibidem.
  3. Gessner et Frisch, loco citato.