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race différente, aucune variété de l’espèce, mais il y a beaucoup d’espèces étrangères qui paraissent en approcher plus ou moins, et dont nous allons faire l’énumération dans l’article suivant.


LE BEC-CROISÉ

L’espèce du bec-croisé[NdÉ 1] est très voisine de celle du gros bec ; ce sont des oiseaux de même grandeur, de même figure, ayant tous deux le même naturel, les mêmes appétits[1], et ne différant l’un de l’autre que par une espèce de difformité qui se trouve dans le bec ; et cette difformité du bec-croisé, qui seul distingue cet oiseau du gros-bec, le sépare aussi de tous les autres oiseaux, car il est l’unique qui ait ce caractère ou plutôt ce défaut : et la preuve que c’est plutôt un défaut, une erreur de nature, qu’un de ses traits constants, c’est que le type en est variable, tandis qu’en tout il est fixe, et que toutes ses productions suivent une loi déterminée dans leur développement et une règle invariable dans leur position, au lieu que le bec de cet oiseau se trouve croisé, tantôt à gauche et tantôt à droite, dans différents individus. Et comme nous ne devons supposer à la nature que des vues fixes et des projets certains, invariables dans leur exécution, j’aime mieux attribuer cette différence de position à l’usage que cet oiseau fait de son bec, qui serait toujours croisé du même côté si de certains individus ne se donnaient pas l’habitude de prendre leur nourriture à gauche

    leurs qui, « outre qu’elles ne sont pas si vives, sont différentes en quelques endroits, » et il ajoute à cela une page et demie d’écriture pour l’énumération de ces prétendues différences ; mais, dans le vrai et en peu de mots, toutes ces différences se réduisent, comme il le dit lui-même, à un peu moins de vivacité dans les couleurs de la femelle et en ce qu’elle a du grisblanc au lieu de noir depuis l’œil jusqu’à la base du bec ; au reste il y a bien peu d’oiseaux dans lesquels la différence des sexes en produise moins que dans celui-ci. — La première penne de l’aile n’est pas la plus longue de toutes, et elle a une tache blanche sur son côté intérieur comme la seconde et les suivantes où M. Brisson l’a vue sans parler de la première penne (t. III, p. 222). Cet oiseau a le vol un peu plus étendu que ne le dit M. Brisson ; le bec supérieur cendré mais d’une teinte plus claire près de la base ; le bec inférieur cendré sur les bords qui se resserrent, en sorte qu’ils s’emboîtent dans le bec supérieur ; le dessous est couleur de chair avec une teinte cendrée. La langue est charnue, petite et pointue ; le gésier très musculeux, précédé d’une poche contenant en été des grains de chénevis concassés, des chenilles vertes presque entières, de très petites pierres, etc. Dans un sujet que j’ai disséqué dernièrement, le tube intestinal du pharynx au jabot avait 3 pouces 1/2 de longueur, du gésier à l’anus environ un pied. Il n’y avait point de cæcum, ni de vésicule de fiel. Observations communiquées par M. Gueneau de Montbeillard, le 22 avril 1774.

  1. L’espèce du bec-croisé a paru à M. Frisch si voisine de celle du gros-bec, qu’il dit expressément qu’on pourrait les apparier ensemble pour en tirer des mulets, mais que comme tous deux ne chantent pas ou chantent mal, ils ne méritent pas qu’on prenne cette peine. Frisch, t. Ier, pl. 2, art. 6.
  1. Loxia curvirostra Linn. [Note de Wikisource : actuellement Loxia curvirostra Linnæus, vulgairement bec-croisé des sapins, Fringillidé peu apparenté aux gros-becs, mais plutôt aux sizerins et aux linottes].