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après lui, ont dit que la chair de cet oiseau est bonne à manger ; j’en ai voulu goûter et je ne l’ai trouvée ni savoureuse ni succulente.

J’ai remarqué qu’en Bourgogne il y a moins de ces oiseaux en hiver qu’en été, et qu’il en arrive un assez grand nombre vers le 10 d’avril ; ils volent par petites troupes et vont en arrivant se percher dans les taillis ; ils nichent sur les arbres et établissent ordinairement leur nid[1] à dix ou douze pieds de hauteur à l’insertion des grosses branches contre le tronc ; ils le composent comme les tourterelles avec des bûchettes de bois sec et quelques petites racines pour les entrelacer ; ils pondent communément cinq œufs bleuâtres tachetés de brun. On peut croire qu’ils ne produisent qu’une fois l’année, puisque l’espèce en est si peu nombreuse ; ils nourrissent leurs petits d’insectes, de chrysalides, etc., et, lorsqu’on veut les dénicher, ils les défendent courageusement et mordent bien serré ; leur bec épais et fort leur sert à briser les noyaux et autres corps durs ; et, quoiqu’ils soient granivores, ils mangent aussi beaucoup d’insectes : j’en ai nourri longtemps dans des volières, ils refusent la viande, mais mangent de tout le reste assez volontiers ; il faut les tenir dans une cage particulière, car sans paraître hargneux, et sans mot dire, ils tuent les oiseaux (plus faibles qu’eux) avec lesquels ils se trouvent enfermés ; ils les attaquent non en les frappant de la pointe du bec, mais en pinçant la peau et emportant la pièce. En liberté ils vivent de toutes sortes de grains, de noyaux ou plutôt d’amandes de fruits ; les loriots mangent la chair des cerises et les gros-becs cassent les noyaux et en mangent l’amande. Ils vivent aussi de graines de sapins, de pins, de hêtres, etc.[NdÉ 1].

Cet oiseau solitaire et sauvage, silencieux, dur d’oreille et moins fécond que la plupart des autres oiseaux, a toutes ses qualités plus concentrées en lui-même, et n’est sujet à aucune des variétés qui, presque toutes, proviennent de la surabondance de la nature. Le mâle et la femelle sont de la même grosseur et se ressemblent assez[2]. Il n’y a dans notre climat aucune

  1. Nid de gros-bec trouvé le 24 avril 1774, sur un prunier à 10 ou 12 pieds de hauteur, dans une bifurcation de branche, de forme ronde hémisphérique, composé en dehors de petites racines et d’un peu de lichen ; en dedans de petites racines plus menues et plus fines ; contenant quatre œufs de forme ovoïde un peu pointue : grand diamètre 9 à 10 lignes ; petit diamètre 6 lignes : taches d’un brun olivâtre, et des traits irréguliers noirâtres peu marqués sur un fond vert-clair-bleuâtre. Note communiquée par M. Gueneau de Montbeillard.
  2. Quelqu’un qui n’aurait pas comparé ces oiseaux en nature, et qui s’en rapporterait à la description de M. Brisson, croirait qu’il y a de grandes différences entre la femelle et le mâle, d’autant que cet auteur dit positivement que « la femelle diffère du mâle par ses cou-
  1. Le Gros-bec, d’après Brehm père, entame les cerises, jette la pulpe, ouvre le noyau et mange la graine qui s’y trouve ; il fait cela en moins d’une minute et avec tant de force que l’on entend le bruit à une trentaine de pas. Il fait de même du fruit du charme. Il aime aussi les céréales et cause souvent de grands dégâts dans les champs et dans les jardins. On ne peut se figurer combien un seul de ces oiseaux peut détruire de pieds de plantes. C’est donc un oiseau à détruire avec soin.