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LE GROS-BEC[1]


Le gros-bec[NdÉ 1] est un oiseau qui appartient à notre climat tempéré, depuis l’Espagne et l’Italie jusqu’en Suède. L’espèce, quoique assez sédentaire, n’est pas nombreuse ; on voit toute l’année cet oiseau dans quelques-unes de nos provinces de France, où il ne disparaît que pour très peu de temps pendant les hivers les plus rudes[2] ; l’été il habite ordinairement les bois, quelquefois les vergers, et vient autour des hameaux et des fermes en hiver. C’est un animal silencieux dont on entend très rarement la voix, et qui n’a ni chant ni même aucun ramage décidé[3] ; il semble qu’il n’ait pas l’organe de l’ouïe aussi parfait que les autres oiseaux, et qu’il n’ait guère plus d’oreille que de voix, car il ne vient point à l’appeau, et, quoique habitant des bois, on n’en prend pas à la pipée. Gessner, et la plupart des naturalistes

  1. Le gros-bec, ainsi nommé parce que son bec est plus gros que son corps ne paraît le comporter. On l’appelle aussi pinson à gros bec et mangeur de noyaux ; dans le Maine pinson royal ; en Picardie, grosse-tête ; en Sologne, malouasse ou amalouasse gare, pinson maillé ou ébourgeonneux ; de même que le bouvreuil, en Champagne, casse-rognon ; casse-noix ou casse-noyaux ; en Saintonge, gros pinson ou pinson d’Espagne ; en Périgord, durbec ; le tout selon M. Salerne. En quelques endroits, geai de bataille, coche-pierre ; suivant Gessner, qui a appliqué à cet oiseau le nom grec et latin, « coccothraustes, quod rostro suo coccos et interiora grana sive ossicula cerasorum confringere soleat ut nucleis vescatur ». Ce nom néanmoins pouvait appartenir à tout autre oiseau qui a ces mêmes habitudes ; car Hesychius et Varron, qui sont les seuls auteurs anciens où l’on trouve le nom des coccothraustes, ne le désignent en aucune façon et disent seulement, « coccothraustes avis quædam est ».
  2. On aurait peine à concilier cette observation dont je crois être sûr, avec ce que disent les auteurs de la Zoologie Britannique, qu’on le voit rarement en Angleterre, et qu’il n’y paraît jamais qu’en hiver ; à moins de supposer que comme il y a peu de bois en Angleterre il y a aussi très peu de ces oiseaux qui ne se plaisent que dans les bois, et que comme ils n’approchent des lieux habités que pendant l’hiver, les observateurs n’en auront vu que dans cette saison.
  3. M. Salerne dit que cet oiseau ne chante pas d’une manière désagréable, et un peu plus bas il ajoute que Belon a raison de dire qu’on le garde rarement en cage ; parce qu’il ne dit mot ou qu’il chante mal. Il faut écrire avec bien peu de soin pour dire ainsi deux choses contradictoires dans la même page ; ce que je puis dire moi-même, c’est que je n’ai jamais entendu chanter ou siffler aucun de ces oiseaux, que j’ai gardés longtemps dans des volières, et que les gens les plus accoutumés à fréquenter les bois m’ont assuré n’avoir que rarement entendu leur voix. Le mâle l’a néanmoins plus forte et plus fréquente que la femelle, qui ne rend qu’un son unique, un peu traîné et enroué, qu’elle répète de temps en temps.
  1. Coccothraustes vulgaris (Loxia Coccothraustes L.) [Note de Wikisource : actuellement Coccothraustes coccothraustes Linnæus, vulgairement gros-bec casse-noyaux, de la famille des Fringillidés, qui comprend notamment, outre les gros-becs, durbecs et becs-croisés, les pinsons, bouvreuils, serins et roselins].