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remarquable par la blancheur du ventre, du dessous des ailes, du croupion et de la queue. Il est cependant vrai qu’il n’y a que le mâle qui porte évidemment ces caractères, car la femelle est presque toute grise et n’a que du blanc sale sur les plumes du croupion ; elle est, comme dans les autres oiseaux de proie, plus grande, plus grosse et plus pesante que le mâle : elle fait son nid presque à terre, dans les terrains couverts de bruyères, de fougère, de genêt et de joncs, quelquefois aussi sur des sapins et sur d’autres arbres élevés. Elle pond ordinairement trois œufs qui sont d’un gris tirant sur l’ardoise[1] : le mâle pourvoit abondamment à sa subsistance pendant tout le temps de l’incubation, et même pendant le temps qu’elle soigne et élève ses petits. Il fréquente de près les lieux habités, et surtout les hameaux et les fermes : saisit et enlève les poules, les jeunes dindons, les canards privés ; et lorsque la volaille lui manque il prend des lapereaux, des perdrix, des cailles et d’autres moindres oiseaux ; il ne dédaigne pas même les mulots et les lézards. Comme ces oiseaux, et surtout la femelle, ont les ailes courtes et le corps gros, leur vol est pesant et ils ne s’élèvent jamais à une grande hauteur : on les voit toujours voler bas[2] et saisir leur proie plutôt à terre que dans l’air. Leur cri est une espèce de sifflement aigu qu’ils ne font entendre que rarement : ils ne chassent guère que le matin et le soir, et ils se reposent dans le milieu du jour.

On pourrait croire qu’il y a variété dans cette espèce, car Belon donne la description d’un second oiseau, « qui est, dit-il[3], encore une autre espèce d’oiseau saint-martin, semblablement nommé blanche-queue, de même espèce que le susdit jean-le-blanc, et qui ressemble au milan royal de si près qu’on n’y trouverait aucune différence, si ce n’était qu’il est plus petit et plus blanc dessous le ventre, ayant les plumes qui touchent le croupion en la queue, tant dessus que dessous, de couleur blanche. » Ces ressemblances, auxquelles on doit en ajouter une encore plus essentielle, qui est d’avoir les jambes longues, indiquent seulement que cette espèce est voisine de celle du jean-le-blanc ; mais comme elle en diffère considérablement par la grandeur et par d’autres caractères, on ne peut pas dire que ce soit une variété du jean-le-blanc ; et nous avons reconnu que c’est le même oiseau que nos nomenclateurs ont appelé le lanier cendré, duquel nous ferons mention dans la suite sous le nom d’oiseau saint-martin, parce qu’il ne ressemble en rien au lanier.

Au reste, le jean-le-blanc, qui est très commun en France, est néanmoins

  1. Ornithologie de Salerne, p. 23 et 24.
  2. Quiconque le regarde voler advise en lui la semblance d’un héron en l’air ; car il bat des ailes et ne s’élève pas en amont comme plusieurs autres oiseaux de proie, mais vole le plus souvent bas contre terre, et principalement soir et matin. Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 103.
  3. Idem, ibidem, p. 104.