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Comme cet oiseau est des plus grands, que par cette raison il produit peu, qu’il ne pond que deux œufs une fois par an, et que souvent il n’élève qu’un petit, l’espèce n’en est nombreuse nulle part, mais elle est assez répandue : on la trouve presque partout en Europe, et il paraît même qu’elle est commune aux deux continents, et que ces oiseaux fréquentent les lacs de l’Amérique septentrionale[1].


LE JEAN-LE-BLANC

J’ai eu cet oiseau[NdÉ 1] vivant[2], et je l’ai fait nourrir pendant quelque temps. Il avait été pris jeune au mois d’août 1768, et il paraissait au mois de janvier 1769 avoir acquis toutes ses dimensions : sa longueur, depuis le bout du bec jusqu’à l’extrémité de la queue, était de deux pieds, et jusqu’au bout des ongles d’un pied huit pouces ; le bec, depuis le crochet jusqu’au coin de l’ouverture, avait dix-sept lignes de longueur ; la queue était longue de dix pouces ; il avait cinq pieds un pouce de vol ou d’envergure ; ses ailes, lorsqu’elles étaient pliées, s’étendaient un peu au delà de l’extrémité de la queue : la tête, le dessus du cou, le dos et le croupion, étaient d’un brun cendré. Toutes les plumes qui recouvrent ces parties étaient néanmoins blanches à leur origine, mais brunes dans tout le reste de leur étendue, en sorte que le brun recouvrait le blanc, de manière qu’on ne l’apercevait qu’en relevant les plumes ; la gorge, la poitrine, le ventre et les côtés étaient blancs, variés de taches longues, et de couleur d’un brun roux ; il y avait des bandes transversales plus brunes sur la queue ; la membrane qui couvre

  1. Il me paraît que c’est à l’orfraie qu’il faut rapporter le passage suivant : « Il y a encore quantité d’aigles qu’ils appellent en leur langue sondaqua ; elles font ordinairement leurs nids sur le bord des eaux ou de quelque autre précipice, tout au-dessus des plus hauts arbres ou rochers, de sorte qu’elles sont fort difficiles à avoir ; nous en dénichâmes néanmoins plusieurs nids ; mais nous n’y trouvâmes pas plus d’un ou deux aiglons : j’en pensais nourrir quelques-uns lorsque nous étions sur le chemin des Hurons à Québec ; mais tant pour être trop lourds à porter que pour ne pouvoir fournir au poisson qu’il leur fallait, n’ayant autre chose à leur donner, nous en fîmes chaudière et nous les trouvâmes fort bons ; car ils étaient encore jeunes et tendres. » Voyage au pays des Hurons, par Sagard Théodat, p. 297.
  2. Quelques-uns ont nommé le jean-le-blanc chevalier blanche-queue, peut-être parce qu’il est un peu plus haut monté sur ses jambes. Ornithol. de Salerne, p. 24… Le mâle est plus léger et plus blanc que la femelle, surtout au croupion ; sa queue est fort longue, et ses jambes sont fines et d’un jaune agréable. Idem, ibidem, etc… Nota. Belon et quelques autres naturalistes après lui ont cru que cet oiseau était le pygargue ; mais ils se sont trompés, comme on peut s’en assurer en comparant ce que nous avons dit du pygargue avec ce que nous disons du jean-le-blanc.
  1. Le jean-le-blanc de Buffon est le Circætus gallicus L. [Note de Wikisource : actuellement, Circaetus gallicus Gmelin], de la famille des Accipitridés et de la sous-famille des Butéoniens. Les Butéoniens se distinguent par un corps lourd, une tête épaisse ; une queue droite, tronquée ; un bec recourbé et dépourvu de dent.