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LE PETIT AIGLE

La troisième espèce est l’aigle tacheté[NdÉ 1], que j’appelle petit aigle[1], et dont Aristote donne une notion exacte en disant[2] que c’est un oiseau plaintif dont le plumage est tacheté, et qui est plus petit et moins fort que les autres aigles ; et, en effet, il n’a pas deux pieds et demi de longueur de corps, depuis le bout du bec jusqu’à l’extrémité des pieds, et ses ailes sont encore plus courtes à proportion, car elles n’ont guère que quatre pieds d’envergure : on l’a appelé aquila planga, aquila clanga, aigle plaintif, aigle criard ; et ces noms ont été bien appliqués, car il pousse continuellement des plaintes ou des cris lamentables ; on l’a surnommé anataria, parce qu’il attaque les canards de préférence, et morphna, parce que son plumage, qui est d’un brun obscur, est marqueté sur les jambes et sous les ailes de plusieurs taches blanches, et qu’il a aussi sur la gorge une grande zone blanchâtre : c’est, de tous les aigles, celui qui s’apprivoise le plus aisément[3] ; il est plus faible, moins fier et moins courageux que les autres ; c’est celui que les Arabes ont appelé zimiech[4], pour le distinguer du grand aigle, qu’ils appellent zumach. La grue est sa plus forte proie, car il ne prend ordinairement que des canards, d’autres moindres oiseaux et des rats[5]. L’espèce, quoique peu nombreuse en chaque lieu, est répandue partout, tant en Europe[6] qu’en Asie[7], en Afrique, où on la trouve jusqu’au cap de

  1. Voyez les planches enluminées de Frisch, planche lxxi. — L’aigle tacheté. Brisson, t. I, p. 426. — Morphno Congener. Aldrovand. Avi., t. I, p. 214. — Nota. Cet auteur, et après lui Jonston, Willughby, Ray et Charleton ont donné à cet oiseau la dénomination de morphno congener ; et il me paraît que c’est mal à propos, puisque ce même oiseau est le vrai morphnos des Grecs.
  2. « Alterum genus (aquilæ) magnitudine secundum et viribus ; planga aut clanga nomine, saltus et convalles et lacus incolere solitum, cognomine anataria, et morphna a maculâ pennæ, quasi næviam dixeris : cujus Homerus etiam meminit in exitu Priami. » Aristote, Hist. anim., lib. ix, cap. xxxii.
  3. « Ultra tres annos mihi familiaris, hæc aquila clanga. Quoties veniam dederam, mensæ in plures horas insidebat mihi a sinistrâ, observans motum manûs dextræ litteras perarantis ; permulcens aliquando suo capite mitram meam ; si titillabam sub mento, tintinnabat clarâ voce ; familiaris fuit aliis avibus in horto, in specie laris, non nisi recenti carni bovinæ assuefacta. » Klein, Ordo avi., p. 41 et 42.
  4. Il y a de deux espèces d’aigles : l’une est absolument appelée zummach ; l’autre est nommée zemiech… L’aigle zummach prend le lièvre, le renard, la gazelle ; l’aigle zemiech prend la grue et oiseaux plus moindres. Fauconnerie de Guillaume Tardif, liv. ii, chap. ii.
  5. « Mures ut gratum cibum devorare solet ; aviculas etiam, anates et columbas venatur. » Schwenckfeld, Avi. Sil., p. 220.
  6. On trouve ce petit aigle aux environs de Dantzig : on le trouve aussi, quoique rarement, dans les montagnes de Silésie. Voyez Schwenckfeld, p. 220.
  7. On le trouve en Grèce, puisque Aristote en fait mention : en Perse, comme on le voit par le témoignage de Chardin ; et en Arabie, où il porte le nom de zimiech, ou aigle faible.
  1. Le petit aigle de Buffon est l’Aquila nævia Briss., ou Aigle criard [Note de Wikisource : actuellement, Clanga clanga Pallas].