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aussi des lièvres, celui-ci en prend plus qu’aucun autre ; c’est sa chasse habituelle, et la proie qu’il recherche de préférence. Les Latins, avant Pline, ont appelé cet aigle Valeria, quasi valens viribus[1], à cause de sa force, qui paraît être plus grande que celle des autres aigles, relativement à leur grandeur.

L’espèce de l’aigle commun est plus nombreuse et plus répandue que celle du grand aigle : celui-ci ne se trouve que dans les pays chauds et tempérés de l’ancien continent ; l’aigle commun, au contraire, préfère les pays froids, et se trouve également dans les deux continents. On le voit en France[2], en Savoie, en Suisse[3], en Allemagne[4], en Pologne[5], et en Écosse[6] ; on le retrouve en Amérique à la baie d’Hudson[7].


  1. Melænaetos a Grecis dicta, eademque Valeria. Plin. Hist. nat., lib. x, cap. iii.
  2. Dans les montagnes du Bugey, du Dauphiné et de l’Auvergne : voyez les notes ci-dessus.
  3. Aquila alpina saxatilis. Gazoph. Rup. Besler., tab. 16.
  4. « Aquila nigra, melæanetos ; aquila pulla, fulva, valeria, leporaria Colit silvas et montes. Hieme apud nos (in Silesiâ) maxime apparet. » Schwenckfeld, Avi. Sil., p. 218 et 219. — Voyez aussi Klein, Ordo avi., p. 42.
  5. Rzaczynsky, Auct. Hist. nat. Pol., p. 42.
  6. Sibbald, Scot. illustr., part. iii, p. 14.
  7. Il y a en ce pays (c’est-à-dire dans les terres voisines de la baie d’Hudson) plusieurs autres oiseaux très curieux quant à leur forme et force : tel est, entre autres, l’aigle à queue blanche, qui est à peu près de la grosseur d’un coq d’Inde ; sa couronne est aplatie, et il a le cou court, l’estomac large, les cuisses fortes, et les ailes fort longues et larges à proportion du corps ; elles sont noirâtres sur le derrière, mais plus claires aux côtés ; l’estomac est marqueté de blanc, les plumes des ailes sont noires ; la queue étant fermée est blanche en haut et en bas, à l’exception des pointes mêmes des plumes, qui sont noires ou brunes ; les cuisses sont couvertes de plumes brunes noirâtres, par lesquelles on voit en certains endroits un duvet blanc ; les jambes sont couvertes jusqu’aux pieds d’un duvet brun un peu rougeâtre ; chaque pied a quatre doigts gros et forts, dont trois vont en avant et un en arrière ; ils sont couverts d’écailles jaunes, et garnis d’ongles extrêmement forts et pointus qui sont d’un beau noir luisant. Voyage de la baie d’Hudson, par Ellis. Paris, 1749, in-12, t. I, p. 54 et 55, avec une bonne figure. — Nota. On voit bien clairement, par cette description, que cet oiseau est l’aigle brun commun et non pas le pygargue, et que par conséquent l’auteur ne devait pas l’appeler aigle à queue blanche : au reste, je trouve que presque tous les naturalistes anglais sont tombés dans cette même méprise, en prenant pour principal caractère de cet aigle la blancheur de la queue. Ray et Willughby l’ont appelé aquila fulva chrysaëtos, caudâ annulo albo cinctâ. Ray, Synops. avi., p. 6. Willughby, Ornithol., p. 28 ; et ils ont été suivis par les auteurs de la Zoologie Britannique, qui indiquent cet aigle par ce même caractère (ringtail eagle), tandis qu’il n’est ni jaune (fulvus), ni doré (chrysaëtos), et que le caractère de la queue blanche appartient au pygargue bien plus légitimement et plus anciennement, et dès le temps d’Aristote.