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est plus petit et ne pèse guère que douze livres. Tous deux ont le bec très fort et assez semblable à de la corne bleuâtre ; les ongles noirs et pointus dont le plus grand, qui est celui de derrière, a quelquefois jusqu’à cinq pouces de longueur ; les yeux sont grands, mais paraissent enfoncés dans une cavité profonde que la partie supérieure de l’orbite couvre comme un toit avancé ; l’iris de l’œil est d’un beau jaune clair, et brille d’un feu très vif ; l’humeur vitrée est de couleur de topaze ; le cristallin, qui est sec et solide, a le brillant et l’éclat du diamant ; l’œsophage se dilate en une large poche qui peut contenir une pinte de liqueur ; l’estomac, qui est au-dessous, n’est pas, à beaucoup près, aussi grand que cette première poche, mais il est à peu près également souple et membraneux. Cet oiseau est gras, surtout en hiver ; sa graisse est blanche, et sa chair, quoique dure et fibreuse, ne sent pas le sauvage comme celle des autres oiseaux de proie[1].

On trouve cette espèce en Grèce[2], en France dans les montagnes du Bugey, en Allemagne dans les montagnes de Silésie[3], dans les forêts de Dantzig[4] et dans les monts Carpathiens[5], dans les Pyrénées[6] et dans les montagnes d’Irlande[7]. On la trouve aussi dans l’Asie Mineure et en Perse, car les anciens Perses avaient, avant les Romains, pris l’aigle pour leur enseigne de guerre ; et c’était ce grand aigle, cet aigle doré, aquila fulva, qui était dédié à Jupiter[8]. On voit aussi, par le témoignage des voyageurs, qu’on le trouve en Arabie[9], en Mauritanie et dans plusieurs autres provinces de l’Afrique et de l’Asie jusqu’en Tartarie, mais point en Sibérie ni dans le reste du nord de l’Asie. Il en est à peu près de même en Europe, car cette espèce, qui est partout assez rare, l’est moins dans nos contrées méridionales que dans les provinces tempérées, et on ne la trouve plus dans celles

    vivant ; il pesait dix-huit livres, il était de couleur fauve (c’est le grand aigle, le même qui est représenté dans la Zoologie Britannique, planche A) ; il était très fort et très méchant, et blessa cruellement au sein une femme qui avait soin de la faisanderie : l’autre était presque noir. J’ai encore vu l’une et l’autre espèce de ces aigles à Genève, où on les nourrissait dans des cages séparées ; ils ont tous deux les jambes couvertes de plumes jusqu’à la naissance des doigts, et les plumes de leurs cuisses sont si longues et si touffues qu’on croirait, en voyant ces oiseaux d’un peu loin, qu’ils sont posés sur quelque petite éminence. On croit qu’ils sont de passage en Bugey ; car on ne les y voit guère qu’au printemps et en automne.

  1. Schwenckfeld, Avi. Sil., p. 216.
  2. Aristot. Hist. anim., lib. ix, cap. xxxii.
  3. Schwenckfeld, Avi. Sil., p. 214.
  4. Klein, Ordo avium, p. 40.
  5. Rzaczynsky, Auct. Hist. nat. Pol., p. 360 et 361.
  6. Barrère, Ornithol., class. iii, gen. iv, sp. 1.
  7. British Zoology, p. 61.
  8. Fulvam aquilam Jovis nuntiam. Cicero, De legibus, lib. ii. — Grata Jovis fulvæ rostra videbis avis. Ovid., lib. v. — Fulvusque tonantis armiger. Claudian.
  9. « Majores (aquilæ) arabico nomine nesir vocantur. Aquilas docent Afri vulpibus et lupis insidiari quibuscum prælium ineunt ; verum edoctæ aquilæ unguibus dorsum et caput rostro comprehendunt ut dentibus morderi nequeant. Cæterum si animal dorsum volvat, aquila non desistit donec vel interimat vel oculos illi effodiat. » Léon Afr., part. ii, p. 767.