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ennemis et même contre l’homme, avec plus d’intrépidité qu’on n’en attendrait d’un si petit oiseau. On a vu le père et la mère s’élancer courageusement sur ceux qui leur enlevaient leur couvée ; et, ce qui est encore plus rare, on a vu la mère, prise avec le nid, continuer de couver en cage et mourir sur ses œufs.

Dès que les petits sont élevés, la famille se met en marche pour voyager ; c’est ordinairement vers la fin d’août ou le commencement de septembre ; ils ne se réunissent jamais en troupes nombreuses, ils ne restent pas même assemblés en famille, car on n’en trouve guère plus de deux ou trois ensemble. Quoiqu’ils volent peu légèrement et en battant des ailes, comme le merle, il est probable qu’ils vont passer leur quartier d’hiver en Afrique ; car, d’une part, M. le chevalier Desmazy, commandeur de l’ordre de Malte, m’assure qu’ils passent à Malte dans le mois de septembre et qu’ils repassent au printemps ; et, d’autre part, Thévenot dit qu’ils passent en Égypte au mois de mai et qu’ils repassent en septembre[1]. Il ajoute qu’au mois de mai ils sont très gras, et alors leur chair est un bon manger. Aldrovande s’étonne de ce qu’en France on n’en sert pas sur nos tables[2].

Le loriot est à peu près de la grosseur du merle ; il a neuf à dix pouces de longueur, seize pouces de vol, la queue d’environ trois pouces et demi, et le bec de quatorze lignes. Le mâle est d’un beau jaune sur tout le corps, le cou et la tête, à l’exception d’un trait noir qui va de l’œil à l’angle de l’ouverture du bec. Les ailes sont noires, à quelques taches jaunes près qui terminent la plupart des grandes pennes et quelques-unes de leurs couvertures ; la queue est aussi mi-partie de jaune et de noir, de façon que le noir règne sur ce qui paraît des deux pennes du milieu, et que le jaune gagne toujours de plus en plus sur les pennes latérales, à commencer de l’extrémité de celles qui suivent immédiatement les deux du milieu ; mais il s’en faut bien que le plumage soit le même dans les deux sexes : presque tout ce qui est d’un noir décidé dans le mâle n’est que brun dans la femelle, avec une teinte verdâtre ; et presque tout ce qui est d’un si beau jaune dans celui-là est dans celle-ci olivâtre ou jaune pâle, ou blanc ; olivâtre sur la tête et le dessus du corps, blanc sale varié de traits bruns sous le corps, blanc à l’extrémité de la plupart des pennes des ailes, et jaune pâle à l’extrémité de leurs couvertures ; il n’y a de vrai jaune qu’au bout de la queue et sur ses couvertures inférieures. J’ai observé de plus dans une femelle un petit espace derrière l’œil qui était sans plumes et de couleur ardoisée claire.

Les jeunes mâles ressemblent d’autant plus à la femelle pour le plumage qu’ils sont plus jeunes : dans les premiers temps, ils sont mouchetés encore plus que la femelle, ils le sont même sur la partie supérieure du corps ;

  1. Voyage du Levant, t. Ier, p. 493.
  2. Ornithologie, t. Ier, p. 861.