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puisque c’est en effet celui que l’on connaît sous le nom de vautour des Alpes. Ainsi reste à cinq espèces, qui correspondent d’abord aux trois espèces d’aigles que je viens d’établir, et ensuite à la quatrième et à la cinquième, qui sont le pygargue et l’aigle de mer ou balbuzard. J’ai cru, malgré l’autorité de ce grand philosophe, devoir séparer des aigles proprement dits ces deux derniers oiseaux, et c’est en cela seul que ma réduction diffère de la sienne ; car, du reste, je me trouve entièrement d’accord avec ses idées, et je pense comme lui que l’orfraie, ossifraga ou grand aigle de mer, ne doit pas être comptée parmi les aigles, non plus que l’oiseau appelé jean-le-blanc, duquel il ne fait pas mention, et qui est si différent des aigles qu’on ne lui en a jamais donné le nom. Tout ceci sera développé avec avantage et plus de clarté pour le lecteur dans les articles suivants, où l’on va voir en détail les différences de chacune des espèces que nous venons d’indiquer.



LE GRAND AIGLE

La première espèce est le grand aigle que Belon, après Athénée, a nommé l’aigle royal[NdÉ 1] ou le roi des oiseaux ; c’est en effet l’aigle d’espèce franche et de race noble, appelé par cette raison ἀετὸς γνήσιος par Aristote[1], et connu de nos nomenclateurs sous le nom d’aigle doré ; c’est le plus grand de tous les aigles, la femelle a jusqu’à trois pieds et demi de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l’extrémité des pieds, et plus de huit pieds et demi de vol ou d’envergure ; elle pèse seize[2] et même dix-huit livres[3] ; le mâle

    obtinent expers est ; quippe quæ a corvo, cæterisque id genus alitibus verberetur, fugetur, capiatur : gravis est enim, victu iners ; exanimata fert corpora ; famelica semper est, et querula, clamitat et clangit. » Arist. Hist. anim., lib. ix, cap. xxxii.

  1. « Sextum genus (aquilæ) gnesium, id est verum, germanumque appellant. Unum hoc, ex omni avium genere, esse veri incorruptique ortûs creditur. Cætera enim genera et aquilarum et accipitrum, et minutarum etiam avium promiscua adulterinâque invicem procreant. Maxima aquilarum omnium hæc est, major etiam quam ossifraga. Sed cæteras aquilas vel sesqui-altera portione excedit. Colore est rufa, conspectu rara. » Arist. Hist. anim., lib. ix, cap. xxxii.
  2. Klein, Ordo avium, p. 40.
  3. Voici ce que m’a écrit un de mes amis (M. Hébert, receveur général à Dijon), qui a fait de très bonnes observations sur les oiseaux, qu’il m’a communiquées, et que j’aurai quelquefois occasion de citer avec reconnaissance. J’ai vu, dit-il, dans le pays de Bugey de deux espèces d’aigles : le premier fut pris au château de Dorlau, dans un filet à l’appât d’un pigeon
  1. L’aigle royal (Aquila chrysaetos L.) ou Aigle doré est particulièrement indigène de l’Allemagne méridionale. Il appartient à l’ordre des Rapaces, à la famille des Accipitridés et à la sous-famille des Aquiliens. Les Accipitridés sont des Rapaces à bec très fort, court, généralement denté ; à tête et à cou emplumés ; à joues rarement nues. Leurs tarses ont une hauteur moyenne et sont parfois emplumés. Leurs doigts sont armés de griffes tranchantes, très recourbées. Leurs ailes sont grandes, allongées, pointues ou arrondies. Chez les Aquiliens, les ailes sont arrondies ; le bec est recourbé à l’extrémité.