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LES AIGLES


Il y a plusieurs oiseaux auxquels on donne le nom d’aigles : nos nomenclateurs en comptent onze espèces en Europe, indépendamment de quatre autres espèces, dont deux sont du Brésil, une d’Afrique, et la dernière des grandes Indes. Ces onze espèces sont : 1o l’aigle commun, 2o l’aigle à la tête blanche, 3o l’aigle blanc, 4o l’aigle tacheté, 5o l’aigle à queue blanche, 6o le petit aigle à queue blanche, 7o l’aigle doré, 8o l’aigle noir, 9o le grand aigle de mer, 10o l’aigle de mer, 11o le jean-le-blanc ; mais, comme nous l’avons déjà dit, nos nomenclateurs modernes paraissent s’être beaucoup moins souciés de restreindre et réduire au juste le nombre des espèces, ce qui néanmoins est le vrai but du travail d’un naturaliste, que de les multiplier, chose bien moins difficile, et par laquelle on brille à peu de frais aux yeux des ignorants ; car la réduction des espèces suppose beaucoup de connaissances, de réflexions et de comparaisons, au lieu qu’il n’y a rien de si aisé que d’en augmenter la quantité ; il suffit pour cela de parcourir les livres et les cabinets d’histoire naturelle, et d’admettre comme caractères spécifiques toutes les différences, soit dans la grandeur, dans la forme ou la couleur, et de chacune de ces différences, quelque légère qu’elle soit, faire une espèce nouvelle et séparée de toutes les autres ; mais, malheureusement, en augmentant ainsi très gratuitement le nombre nominal des espèces, on n’a fait qu’augmenter en même temps les difficultés de l’histoire naturelle, dont l’obscurité ne vient que de ces nuages répandus par une nomenclature arbitraire, souvent fausse, toujours particulière, et qui ne saisit jamais l’ensemble des caractères, tandis que c’est de la réunion de tous ces caractères, et surtout de la différence ou de la ressemblance de la forme, de la grandeur, de la couleur et aussi de celles du naturel et des mœurs, qu’on doit conclure la diversité ou l’unité des espèces.

Mettant donc d’abord à part les quatre espèces d’aigles étrangers dont nous nous réservons de parler dans la suite, et rejetant de la liste l’oiseau qu’on appelle jean-le-blanc, qui est si différent des aigles qu’on ne lui en a jamais donné le nom, il me paraît qu’on doit réduire à six les onze espèces d’aigles d’Europe mentionnées ci-dessus, et que dans ces six espèces il n’y en a que trois qui doivent conserver le nom d’aigles, les trois autres étant des oiseaux assez différents des aigles pour exiger un autre nom. Ces trois espèces d’aigles sont : 1o l’aigle doré, que j’appellerai le grand aigle ;