son nom brésilien comme il a coutume de faire à l’égard de tous les oiseaux du Brésil, et sur le silence de tous les voyageurs qui ont parcouru le nouveau continent et les îles adjacentes, mais encore sur la loi du climat. Cette loi, ayant été établie pour les quadrupèdes, s’est ensuite appliquée d’elle-même à plusieurs espèces d’oiseaux, et s’applique particulièrement à celle-ci, comme habitant les contrées voisines de l’équateur, d’où la traversée est beaucoup plus difficile, et comme n’ayant pas l’aile assez forte relativement au volume de ses plumes ; car la légèreté seule ne suffit point pour faire une telle traversée, elle est même un obstacle dans le cas des vents contraires, ainsi que je l’ai dit : d’ailleurs, comment ces oiseaux se seraient-ils exposés à franchir des mers immenses pour gagner le nouveau continent, tandis que, même dans l’ancien, ils se sont resserrés volontairement dans un espace assez étroit, et qu’ils n’ont point cherché à se répandre dans des contrées contiguës qui semblaient leur offrir la même température, les mêmes commodités et les mêmes ressources ?
Il ne paraît pas que les anciens aient connu l’oiseau de Paradis : les caractères si frappants et si singuliers qui le distinguent de tous les autres oiseaux, ces longues plumes subalaires, ces longs filets de la queue, ce velours naturel dont la tête est revêtue, etc., ne sont nulle part indiqués dans leurs ouvrages ; et c’est sans fondement que Belon a prétendu y retrouver le phénix des anciens d’après une faible analogie qu’il a cru apercevoir, moins entre les propriétés de ces deux oiseaux qu’entre les fables qu’on a débitées de l’un et de l’autre[1] : d’ailleurs on ne peut nier que leur climat propre ne soit absolument différent, puisque le phénix se trouvait en Arabie et quelquefois en Égypte, au lieu que l’oiseau de Paradis ne s’y montre jamais, et qu’il paraît attaché, comme nous venons de le voir, à la partie orientale de l’Asie, laquelle était fort peu connue des anciens.
Clusius rapporte, sur le témoignage de quelques marins, lesquels n’étaient instruits eux-mêmes que par des ouï-dire, qu’il y a deux espèces d’oiseaux de Paradis, l’une constamment plus belle et plus grande, attachée à l’île d’Arou ; l’autre, plus petite et moins belle, attachée à la partie de la terre des Papous, qui est voisine de Gilolo[2]. Helbigius, qui a ouï dire la même chose dans les îles d’Arou, ajoute que les oiseaux de Paradis de la Nouvelle-Guinée, ou de la terre des Papous, diffèrent de ceux de l’île d’Arou, non seulement par la taille, mais encore par les couleurs du plumage, qui est blanc et jaunâtre : malgré ces deux autorités, dont l’une est trop suspecte et l’autre trop vague pour qu’on puisse en rien tirer de précis, il me paraît que
- ↑ « Auri fulgore circa colla, cœlera purpureus », dit Pline, en parlant du phénix, puis il ajoute… « neminem exstitisse qui vederit vescentem », lib. x, cap. ii.
- ↑ Clusius, Exotic., in Auctario, p. 359. J. Otton Helbigius parle de l’espèce qui se trouve à la Nouvelle-Guinée comme n’ayant point à la queue les deux longs filets qu’a l’espèce de l’île d’Arou.