dénaturée de chasser leurs petits hors du nid bien plus tôt que les autres, et dans le temps qu’ils leur devraient encore des soins et des secours pour leur subsistance. Cette cruauté, comme toutes les autres duretés naturelles, n’est produite que par un sentiment encore plus dur, qui est le besoin pour soi-même et la nécessité. Tous les animaux qui, par la conformation de leur estomac et de leurs intestins, sont forcés de se nourrir de chair et de vivre de proie, quand même ils seraient nés doux, deviennent bientôt offensifs et méchants par le seul usage de leurs armes, et prennent ensuite de la férocité dans l’habitude des combats : comme ce n’est qu’en détruisant les autres qu’ils peuvent satisfaire à leurs besoins, et qu’ils ne peuvent les détruire qu’en leur faisant continuellement la guerre, ils portent une âme de colère qui influe sur toutes leurs actions, détruit tous les sentiments doux, et affaiblit même la tendresse maternelle ; trop pressé de son propre besoin, l’oiseau de proie n’entend qu’impatiemment et sans pitié les cris de ses petits, d’autant plus affamés qu’ils deviennent plus grands ; si la chasse se trouve difficile et que la proie vienne à manquer, il les expulse, les frappe, et quelquefois les tue dans un accès de fureur causée par la misère.
Un autre effet de cette dureté naturelle et acquise est l’insociabilité : les oiseaux de proie, ainsi que les quadrupèdes carnassiers, ne se réunissent jamais les uns avec les autres ; ils mènent, comme les voleurs, une vie errante et solitaire ; le besoin de l’amour, apparemment le plus puissant de tous après celui de la nécessité de subsister, réunit le mâle et la femelle ; et comme tous deux sont en état de se pourvoir, et qu’ils peuvent même s’aider à la guerre qu’ils font aux autres animaux, ils ne se quittent guère, et ne se séparent pas, même après la saison des amours. On trouve presque toujours une paire de ces oiseaux dans le même lieu ; mais presque jamais on ne les voit s’attrouper ni même se réunir en famille, et ceux qui, comme les aigles, sont les plus grands, et ont par cette raison besoin de plus de subsistance, ne souffrent pas même que leurs petits, devenus leurs rivaux, viennent occuper les lieux voisins de ceux qu’ils habitent, tandis que tous les oiseaux et tous les quadrupèdes, qui n’ont besoin pour se nourrir que des fruits de la terre, vivent en famille, cherchent la société de leurs semblables et se mettent en bandes et en troupes nombreuses, et n’ont d’autre querelle, d’autre cause de guerre, que celles de l’amour ou de l’attachement pour leurs petits ; car, dans presque tous les animaux même les plus doux, les mâles deviennent furieux dans le rut, et les femelles prennent de la férocité pour la défense de leurs petits.
Avant d’entrer dans les détails historiques qui ont rapport à chaque espèce d’oiseaux de proie, nous ne pouvons nous dispenser de faire quelques remarques sur les méthodes qu’on a employées pour reconnaître ces espèces et les distinguer les unes des autres : les couleurs, leur distribution, leurs nuances, les taches, les bandes, les raies, les lignes, servent de fonde-