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Ce tissu d’erreurs grossières n’est qu’une chaîne de conséquences assez bien tirées de la première erreur, qui suppose que l’oiseau de Paradis n’a point de pieds, quoiqu’il en ait d’assez gros[1] ; et cette erreur primitive vient elle-même[2] de ce que les marchands indiens qui font le commerce des plumes de cet oiseau, ou les chasseurs qui les leur vendent, sont dans l’usage, soit pour les conserver et les transporter plus commodément, ou peut-être afin d’accréditer une erreur qui leur est utile, de faire sécher l’oiseau même en plumes, après lui avoir arraché les cuisses et les entrailles ; et comme on a été fort longtemps sans en voir qui ne fussent ainsi préparés, le préjugé s’est fortifié au point qu’on a traité de menteurs les premiers qui ont dit la vérité, comme c’est l’ordinaire[3].

Au reste, si quelque chose pouvait donner une apparence de probabilité à la fable du vol perpétuel de l’oiseau de Paradis, c’est sa grande légèreté, produite par la quantité et l’étendue considérable de ses plumes ; car, outre celles qu’ont ordinairement les oiseaux, il en a beaucoup d’autres, et de très longues, qui prennent naissance de chaque côté, dans les flancs, entre l’aile et la cuisse, et qui, se prolongeant bien au delà de la queue véritable, et se confondant pour ainsi dire avec elle, lui font une espèce de fausse queue à laquelle plusieurs observateurs se sont mépris. Ces plumes subalaires[4] sont de celles que les naturalistes nomment décomposées ; elles sont très légères en elles-mêmes, et forment par leur réunion un tout encore plus léger, un volume presque sans masse et comme aérien, très capable d’augmenter la grosseur apparente de l’oiseau[5], de diminuer sa pesanteur spécifique, et de l’aider à se soutenir dans l’air, mais qui doit aussi quelque-

  1. M. Barrère, qui semble ne parler que par conjectures sur cet article, avance que les oiseaux de Paradis ont les pieds si courts et tellement garnis de plumes jusqu’aux doigts, qu’on pourrait croire qu’ils n’en ont point du tout. C’est ainsi qu’en voulant expliquer une erreur, il est tombé dans une autre.
  2. Les habitants des îles d’Arou croient que ces oiseaux naissent à la vérité avec des pieds, mais qu’ils sont sujets à les perdre, soit par maladie, soit par vieillesse. Si le fait était vrai, il serait la cause de l’erreur et son excuse. (Voyez les Observations de J. Otton Helbigius, dans la Collection académique, partie étrangère, t. III, p. 448.) Et s’il était vrai, comme le dit Olaüs Vormius (Musæum, p. 295), que chacun des doigts de cet oiseau eût trois articulations, ce serait une singularité de plus ; car l’on sait que dans presque tous les oiseaux le nombre des articulations est différent dans chaque doigt, le doigt postérieur n’en ayant que deux, compris celle de l’ongle, et parmi les antérieures l’interne en ayant trois, celui du milieu quatre et l’extrême cinq.
  3. « Antonius Pigafetta pedes illis palmum unum longos falsissimè tribuit. » Aldrovande, t. Ier, p. 807.
  4. Je les nomme ainsi parce qu’elles naissent sub alâ.
  5. Aussi dit-on qu’il a la grosseur apparente du pigeon, quoiqu’il soit en effet moins gros que le merle.

    perdent rapidement leur éclat. L’iris est jaune blanchâtre ; le bec et les pattes sont gris bleuâtre. La femelle n’a pas de parures aux flancs, ni de brun à la queue ; ses teintes sont ternes ; elle a le dos gris fauve brunâtre, la gorge d’un violet grisâtre et le ventre jaune fauve. » (Brehm.)