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sur laquelle j’ai aussi quelques avances, nous mettrons, M. de Montbeillard et moi, chacun notre nom aux articles qui seront de notre composition. On va loin sans doute avec de semblables aides ; mais le champ de la nature est si vaste qu’il semble s’agrandir à mesure qu’on le parcourt ; et la vie d’un, deux et trois hommes est si courte, qu’en la comparant avec cette immense étendue on sentira qu’il n’était pas possible d’y faire de plus grands progrès en aussi peu de temps.

Un nouveau secours qui vient de m’arriver, et que je m’empresse d’annoncer au public, c’est la communication, aussi franche que généreuse, des lumières et des observations d’un illustre voyageur, M. le chevalier James Bruce de Kinnaird, qui, revenant de Nubie et du fond de l’Abyssinie, s’est arrêté chez moi plusieurs jours et m’a fait part des connaissances qu’il a acquises dans ce voyage, aussi pénible que périlleux. J’ai été vraiment émerveillé en parcourant l’immense collection de dessins qu’il a faits et coloriés lui-même : les animaux, les oiseaux, les poissons, les plantes, les édifices, les monuments, les habillements, les armes, etc., des différents peuples, tous les objets, en un mot, dignes de nos connaissances ont été décrits et parfaitement représentés ; rien ne paraît avoir échappé à sa curiosité, et ses talents ont tout saisi. Il nous reste à désirer de jouir pleinement de cet ouvrage précieux. Le gouvernement d’Angleterre en ordonnera sans doute la publication : cette respectable nation, qui précède toutes les autres en fait de découvertes, ne peut qu’ajouter à sa gloire en communiquant promptement à l’univers celles de cet excellent voyageur, qui ne s’est pas contenté de bien décrire la nature, mais a fait encore des observations très importantes sur la culture de différentes espèces de grains, sur la navigation de la mer Rouge, sur le cours du Nil, depuis son embouchure jusqu’à ses sources, qu’il a découvertes le premier, et sur plusieurs autres points de géographie et de moyens de communication qui peuvent devenir très utiles au commerce et à l’agriculture : grands arts peu connus, mal cultivés chez nous, et desquels néanmoins dépend et dépendra toujours la supériorité d’un peuple sur les autres.