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chasse et l’appétit de la proie, le vol très élevé, l’aile et la jambe fortes, la vue très perçante, la tête grosse, la langue charnue, l’estomac simple et membraneux, les intestins moins amples et plus courts que les autres oiseaux ; ils habitent de préférence les lieux solitaires, les montagnes désertes, et font communément leur nid dans les trous des rochers ou sur les plus hauts arbres ; l’on en trouve plusieurs espèces dans les deux continents ; quelques-uns même ne paraissent pas avoir de climat fixe et bien déterminé ; enfin ils ont encore pour caractères généraux et communs le bec crochu, les quatre doigts à chaque pied, tous quatre bien séparés ; mais on distinguera toujours un aigle d’un vautour par un caractère évident : l’aigle a la tête couverte de plumes, au lieu que le vautour l’a nue et garnie d’un simple duvet, et on les distinguera tous deux des éperviers, buses, milans, et faucons par un autre caractère qui n’est pas difficile à saisir, c’est que le bec de ces derniers oiseaux commence à se courber dès son insertion, tandis que le bec des aigles et des vautours commence par une partie droite, et ne prend de la courbure qu’à quelque distance de son origine.

Les oiseaux de proie ne sont pas aussi féconds que les autres oiseaux : la plupart ne pondent qu’un petit nombre d’œufs, mais je trouve que M. Linnæus a eu tort d’affirmer qu’en général tous ces oiseaux produisaient environ quatre œufs[1]. Il y en a qui, comme le grand aigle et l’orfraie, ne donnent que deux œufs, et d’autres, comme la cresserelle et l’émerillon, qui en font jusqu’à sept ; il en est, à cet égard, des oiseaux comme des quadrupèdes : le nombre de la multiplication par la génération est en raison inverse de leur grandeur ; les grands oiseaux produisent moins que les petits, et en raison de ce qu’ils sont plus petits ils produisent davantage. Cette loi me paraît généralement établie dans tous les ordres de la nature vivante ; cependant on pourrait m’opposer ici les exemples des pigeons qui, quoique petits, c’est-à-dire d’une grandeur médiocre, ne produisent que deux œufs, et des plus petits oiseaux qui n’en produisent ordinairement que cinq : mais il faut considérer le produit absolu d’une année, et ne pas oublier que le pigeon, qui ne pond que deux et quelquefois trois œufs pour une seule couvée, fait souvent deux, trois et quatre pontes du printemps à l’automne ; et que dans les petits oiseaux il y en a aussi plusieurs qui pondent plusieurs fois pendant le temps de ces mêmes saisons ; de manière qu’à tout prendre et tout considérer il est toujours vrai de dire que, toutes choses égales d’ailleurs, le nombre dans le produit de la génération est proportionnel à la petitesse de l’animal dans les oiseaux comme dans les quadrupèdes.

Tous les oiseaux de proie ont plus de dureté dans le naturel et plus de férocité que les autres oiseaux : non seulement ils sont les plus difficiles de tous à priver, mais ils ont encore presque tous, plus ou moins, l’habitude

  1. Linn. Syst. nat., édit. X, t. I, p. 81.