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et d’une nature assez éloignée des oiseaux carnassiers ; ceux-ci saisissent leur proie avec les serres, ils ont tous le bec court et crochu, les doigts bien séparés et dénués de membranes, les jambes fortes et ordinairement recouvertes par les plumes des cuisses, les ongles grands et crochus, tandis que les autres prennent le poisson avec le bec, qu’ils ont droit et pointu, et qu’ils ont aussi les doigts réunis par des membranes, les ongles faibles et les jambes tournées en arrière.

En ne comptant pour oiseaux de proie que ceux que nous venons d’indiquer, et séparant encore pour un instant les oiseaux de nuit des oiseaux de jour, nous les présenterons dans l’ordre qui nous a paru le plus naturel : nous commencerons par les aigles, les vautours, les milans, les buses ; nous continuerons par les éperviers, les gerfauts, les faucons ; et nous finirons par les émerillons et les pies-grièches : plusieurs de ces articles contiennent un assez grand nombre d’espèces et de races constantes produites par l’influence du climat ; et nous joindrons à chacun les oiseaux étrangers qui ont rapport à ceux de notre climat. Par cette méthode, nous donnerons non seulement tous les oiseaux du pays, mais encore tous les oiseaux étrangers dont parlent les auteurs, et toutes les espèces nouvelles que nos correspondances nous ont procurées, et qui ne laissent pas d’être en assez grand nombre.

Tous les oiseaux de proie sont remarquables par une singularité dont il est difficile de donner la raison ; c’est que les mâles sont d’environ un tiers moins grands et moins forts que les femelles, tandis que dans les quadrupèdes et dans les autres oiseaux ce sont, comme l’on sait, les mâles qui ont le plus de grandeur et de force : à la vérité dans les insectes, et même dans les poissons, les femelles sont un peu plus grosses que les mâles, et l’on en voit clairement la raison, c’est la prodigieuse quantité d’œufs qu’elles contiennent qui renfle leur corps, ce sont les organes destinés à cette immense production qui en augmentent le volume apparent ; mais cela ne peut en aucune façon s’appliquer aux oiseaux, d’autant qu’il paraît par le fait que c’est tout le contraire ; car, dans ceux qui produisent des œufs en grand nombre, les femelles ne sont pas plus grandes que les mâles ; les poules, les canes, les dindes, les poules-faisanes, les perdrix, les cailles femelles, qui produisent dix-huit ou vingt œufs, sont plus petites que leur mâle, tandis que les femelles des aigles, des vautours, des éperviers, des milans et des buses, qui n’en produisent que trois ou quatre, sont d’un tiers plus grosses que les mâles ; c’est par cette raison qu’on appelle tiercelet le mâle de toutes les espèces d’oiseaux de proie : ce mot est un nom générique et non pas spécifique, comme quelques auteurs l’ont écrit ; et ce nom générique indique seulement que le mâle ou tiercelet est d’un tiers environ plus petit que la femelle.

Ces oiseaux ont tous pour habitude naturelle et commune le goût de la