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ils ne construisent pas leurs nids avec autant de précaution que la pie. On m’en a apporté plusieurs dans le mois de mai : ce sont des demi-sphères creuses, formées de petites racines entrelacées, ouvertes par-dessus, sans matelas au dedans, sans défense au dehors ; j’y ai toujours trouvé quatre ou cinq œufs ; d’autres disent y en avoir trouvé cinq ou six ; ces œufs sont un peu moins gros que ceux des pigeons, d’un gris plus ou moins verdâtre, avec de petites taches faiblement marquées.

Les petits subissent leur première mue dès le mois de juillet ; ils suivent leurs père et mère jusqu’au printemps de l’année suivante[1], temps où ils les quittent pour se réunir deux à deux et former de nouvelles familles : c’est alors que la plaque bleue des ailes, qui s’était marquée de très bonne heure, paraît dans toute sa beauté.

Dans l’état de domesticité, auquel ils se façonnent aisément, ils s’accoutument à toutes sortes de nourritures et vivent ainsi huit à dix ans[2] : dans l’état de sauvage, ils se nourrissent non seulement de glands et de noisettes, mais de châtaignes, de pois, de fèves, de sorbes, de groseilles, de cerises, de framboises, etc. Ils dévorent aussi les petits des autres oiseaux, quand ils peuvent les surprendre dans le nid en l’absence des vieux, et quelquefois les vieux, lorsqu’ils les trouvent pris au lacet ; et, dans cette circonstance, ils vont, suivant leur coutume, avec si peu de précaution qu’ils se prennent quelquefois eux-mêmes, et dédommagent ainsi l’oiseleur du tort qu’ils ont fait à sa chasse[3] ; car leur chair, quoique peu délicate, est mangeable, surtout si on la fait bouillir d’abord, et ensuite rôtir ; on dit que, de cette manière, elle approche de celle de l’oie rôtie.

Les geais ont la première phalange du doigt extérieur de chaque pied unie à celle du doigt du milieu, le dedans de la bouche noir, la langue de la même couleur, fourchue, mince, comme membraneuse et presque transparente, la vésicule du fiel oblongue, l’estomac moins épais et revêtu de muscles moins forts que le gésier des granivores ; il faut qu’ils aient le gosier fort large, s’ils avalent, comme on dit, des glands, des noisettes et même des châtaignes tout entières, à la manière des ramiers[4] ; cependant je suis sûr qu’ils n’avaient jamais les calices d’œillets tout entiers, quoiqu’ils soient très friands de la graine qu’ils renferment. Je me suis amusé quelquefois à considérer leur ménage : si on leur donne un œillet, ils le prennent brusquement ; si on leur en donne un second, ils le prennent de même, et ils en prennent ainsi tout autant que leur bec en peut contenir, et même davantage ; car il arrive souvent qu’en happant les nouveaux ils laissent tomber les premiers, qu’ils sauront bien retrouver ; lorsqu’ils veulent commencer à

  1. British Zoology, p. 77.
  2. Olina, Uccellaria, p. 35. — Frisch, planche 55.
  3. Frisch, loco citato. — British Zoology, loco citato, etc.
  4. Belon, Nature des oiseaux.