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LES OISEAUX DE PROIE


On pourrait dire, absolument parlant, que presque tous les oiseaux vivent de proie, puisque presque tous recherchent et prennent les insectes, les vers et les autres petits animaux vivants ; mais je n’entends ici par oiseaux de proie que ceux qui se nourrissent de chair et font la guerre aux autres oiseaux ; et, en les comparant aux quadrupèdes carnassiers, je trouve qu’il y en a proportionnellement beaucoup moins. La tribu des lions, des tigres, des panthères, onces, léopards, guépards, jaguars, couguars, ocelots, servals, margais, chats sauvages ou domestiques ; celle des chiens, des chacals, loups, renards, isatis ; celle des hyènes, civettes, zibeths, genettes et fossanes ; les tribus plus nombreuses encore des fouines, martes, putois, mouffettes, furets, vansires, hermines, belettes, zibelines, mangoustes, surikates, gloutons, pékans, visons, sousliks ; et des sarigues, marmoses, cayopolins, tarsiers, phalangers, celle des roussettes, rougettes, chauves-souris, à laquelle on peut encore ajouter toute la famille des rats, qui, trop faibles pour attaquer les autres, se dévorent eux-mêmes : tout cela forme un nombre bien plus considérable que celui des aigles, des vautours, éperviers, faucons, gerfauts, milans, buses, cresserelles, émerillons, ducs, hiboux, chouettes, pies-grièches et corbeaux, qui sont les seuls oiseaux dont l’appétit pour la chair soit bien décidé ; et encore y en a-t-il plusieurs, tels que les milans, les buses et les corbeaux, qui se nourrissent plus volontiers de cadavres que d’animaux vivants ; en sorte qu’il n’y a pas une quinzième partie du nombre total des oiseaux qui soient carnassiers, tandis que dans les quadrupèdes il y en a plus du tiers.

Les oiseaux de proie étant moins puissants, moins forts et beaucoup moins nombreux que les quadrupèdes carnassiers, font aussi beaucoup moins de dégât sur la terre ; mais, en revanche, comme si la tyrannie ne perdait jamais ses droits, il existe une grande tribu d’oiseaux qui font une prodigieuse déprédation sur les eaux. Il n’y a guère parmi les quadrupèdes que les castors, les loutres, les phoques et les morses qui vivent de poisson ; au lieu qu’on peut compter un très grand nombre d’oiseaux qui n’ont pas d’autre subsistance. Nous séparerons ici ces tyrans de l’eau des tyrans de l’air, et ne parlerons pas dans cet article de ces oiseaux qui ne sont que pêcheurs et piscivores ; ils sont pour la plupart d’une forme très différente,