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qu’il a de les parcourir de nouveau est l’une des causes déterminantes de ses fréquentes promenades et de ses migrations. Nous reconnaîtrons qu’étant très susceptible d’être ébranlé par le sens de l’ouïe, les bruits soudains doivent le remuer violemment, lui donner de la crainte et le faire fuir tandis qu’on peut le faire approcher par des sons doux, et le leurrer par des appeaux ; que les organes de la voix étant très forts et très flexibles, l’oiseau ne peut manquer de s’en servir pour exprimer ses sensations, transmettre ses affections et se faire entendre de très loin ; qu’il peut aussi se mieux exprimer que le quadrupède, puisqu’il a plus de signes, c’est-à-dire plus d’inflexions dans la voix ; que, pouvant recevoir facilement et conserver longtemps les impressions des sons, l’organe de ce sens se monte comme un instrument qu’il se plaît à faire résonner ; mais que ces sons communiqués, et qu’il répète mécaniquement, n’ont aucun rapport avec ses affections intérieures ; que le sens du toucher ne lui donnant que des sensations imparfaites, il n’a que des notions peu distinctes de la forme des corps, quoiqu’il en voie très clairement la surface ; que c’est par le sens de la vue, et non par celui de l’odorat, qu’il est averti de loin de la présence des choses qui peuvent lui servir de nourriture ; qu’il a plus de besoin que d’appétit, plus de voracité que de sensualité ou de délicatesse de goût. Nous verrons que pouvant aisément se soustraire à la main de l’homme, et se mettre même hors de la portée de sa vue, les oiseaux ont dû conserver un naturel sauvage, et trop d’indépendance pour être réduits en vraie domesticité ; qu’étant plus libres, plus éloignés que les quadrupèdes, plus indépendants de l’empire de l’homme, ils sont moins troublés dans le cours de leurs habitudes naturelles ; que c’est par cette raison qu’ils se rassemblent plus volontiers, et que la plupart ont un instinct décidé pour la société ; qu’étant forcés de s’occuper en commun des soins de leur famille, et même de travailler d’avance à la construction de leur nid, ils prennent un fort attachement l’un pour l’autre, qui devient leur affection dominante, et se répand ensuite sur leurs petits ; que ce sentiment doux tempère les passions violentes, modère même celle de l’amour, et fait la chasteté, la pureté de leurs mœurs et la douceur de leur naturel ; que quoique plus riches en fonds d’amour qu’aucun des animaux, ils dépensent à proportion beaucoup moins, ne s’excèdent jamais, et savent subordonner leurs plaisirs à leurs devoirs ; qu’enfin cette classe d’êtres légers que la nature paraît avoir produits dans sa gaieté, peut néanmoins être regardée comme un peuple sérieux, honnête, dont on a eu raison de tirer des fables morales, et d’emprunter des exemples utiles[NdÉ 1].

  1. La grande classe des oiseaux est si naturelle, il existe si peu de différences capitales entre les nombreuses formes qui la composent, que les classes sont fondées sur des caractères souvent peu importants et que les classifications adoptées sont extrêmement nombreuses. Il existe cependant quelques caractères qui permettent de subdiviser rationnellement