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LE CORBEAU


Quoique le nom de corbeau[1] ait été donné par les nomenclateurs à plusieurs oiseaux, tels que les corneilles, les choucas, les craves ou coracias, etc., nous en restreindrons ici l’acception et nous l’attribuerons exclusivement à la seule espèce du grand corbeau, du corvus des anciens, qui est assez différent de ces autres oiseaux par sa grosseur[2], ses mœurs, ses habitudes naturelles, pour qu’on doive lui appliquer une dénomination distinctive et surtout lui conserver son ancien nom[NdÉ 1].

Cet oiseau a été fameux dans tous les temps ; mais sa réputation est encore plus mauvaise qu’elle n’est étendue, peut-être par cela même qu’il a été confondu avec d’autres oiseaux et qu’on lui a imputé tout ce qu’il y avait de mauvais dans plusieurs espèces. On l’a toujours regardé comme le dernier des oiseaux de proie et comme l’un des plus lâches et des plus dégoûtants. Les voiries infectes, les charognes pourries sont, dit-on, le fond de sa nourriture ; s’il s’assouvit d’une chair vivante, c’est de celle des animaux faibles ou utiles, comme agneaux, levrauts, etc.[3]. On prétend même qu’il attaque

  1. En comparant les noms qu’on a donnés à cet oiseau dans les idiomes modernes, on remarquera que ces noms dérivent tous visiblement de ceux qu’il avait dans les anciennes langues, en se rapprochant plus ou moins de son cri.
  2. Le corbeau est de la grosseur d’un bon coq ; il pèse trente-quatre ou trente-cinq onces ; par conséquent, masse pour masse, il équivaut à trois corneilles et à deux freux.
  3. Aldrovand., Ornitholog., t. Ier, p. 702. — Traité de la Pipée, où l’on raconte la chasse d’un lièvre entreprise par deux corbeaux qui paraissaient s’entendre, lui crevèrent les yeux et finirent par le prendre.
  1. Le Corbeau (Corvus Corax L. ou Corax maximus [Note de Wikisource : actuellement Corvus corax Linnæus, vulgairement grand corbeau]) appartient à l’ordre des Passereaux, au groupe des Dentirostres et à la famille des Corvidés. Les Dentirostres sont pour la plupart des oiseaux chanteurs, vivant sur les arbres, mais sautillant volontiers sur le sol, volant avec rapidité, se nourrissant habituellement d’insectes et d’autres petits animaux, monogames et élevant plusieurs couvées par an. Leur bec est tantôt subulé, tantôt faiblement recourbé ; la mandibule supérieure est souvent échancrée à l’extrémité ; les bords du bec sont dentés ; les ailes sont de moyenne grandeur, avec la première des dix rémiges primaires atrophiée ou absente. La queue possède presque toujours douze rectrices. La plupart des Conirostres habitent les pays froids ou tempérés, et presque tous émigrent en hiver.

    La famille des Corvidés à laquelle appartiennent le corbeau, les corneilles, les pies, les geais, les loriots, etc., est formée de Dentirostres de grande taille, à voix criarde, à ailes longues et pointues, à queue longue et arrondie. Les Corbeaux (Corvus) ont le bec fort, un peu courbé, entier à l’extrémité ; des ailes longues et pointues ; la queue assez longue et arrondie ; des pattes fortes et noires.