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LA TOURTERELLE


La tourterelle[NdÉ 1] aime, peut-être plus qu’aucun autre oiseau, la fraîcheur en été et la chaleur en hiver : elle arrive dans notre climat fort tard au printemps, et le quitte dès la fin du mois d’août, au lieu que les bisets et les ramiers arrivent un mois plut tôt, et ne partent qu’un mois plus tard, plusieurs même restent pendant l’hiver. Toutes les tourterelles, sans en excepter une, se réunissent en troupes, arrivent, partent et voyagent ensemble ; elles ne séjournent ici que quatre ou cinq mois : pendant ce court espace de temps elles s’apparient, nichent, pondent et élèvent leurs petits au point de pouvoir les emmener avec elles. Ce sont les bois les plus sombres et les plus frais qu’elles préfèrent pour s’y établir ; elles placent leur nid, qui est presque tout plat, sur les plus hauts arbres, dans les lieux les plus éloignés de nos habitations. En Suède[1], en Allemagne, en France, en Italie, en Grèce[2], et peut-être encore dans des pays plus froids et plus chauds, elles ne séjournent que pendant l’été, et quittent également avant l’automne : seulement Aristote nous apprend qu’il en reste quelques-unes en Grèce, dans les endroits les plus abrités ; cela semble prouver qu’elles cherchent les climats très chauds pour y passer l’hiver. On les trouve presque partout[3] dans l’an-

  1. Linnæus, Faun. Suec., no 175.
  2. « Nec hibernare apud nos patiuntur turtures… volant gregatim turtures, cùm accedunt et abeunt… coturnices quoque discedunt, nisi paucæ locis apricis remanserint : quod et turtures faciunt. » Arist., Hist. anim., lib. viii, p. 12.
  3. « Nous vîmes dans le royaume de Siam deux sortes de tourterelles : la première est semblable aux nôtres et la chair en est bonne ; la seconde a le plumage plus beau, mais la chair en est jaunâtre et de mauvais goût. Les campagnes sont pleines de ces tourterelles. » Second voyage de Siam, p. 248 ; et Geronier, Hist. nat. et polit. de Siam, p. 35. — Les pigeons ramiers et les tourterelles viennent aux îles Canaries des côtes de Barbarie. Hist. gén. des voyages, t. II, p. 241. — À Fida, en Afrique, il y a une si grande quantité de tourterelles, qu’un homme, qui tirait assez bien, voulait s’engager à en tuer cent en six heures
  1. Turtur auritus Bp. [Note de Wikisource : actuellement Streptopelia turtur Linnæus, vulgairement tourterelle des bois]. « La Tourterelle a les plumes du dos d’un brun roux sur les bords, tachetées en leur milieu de noir et de gris cendré ; le sommet de la tête et le derrière du cou bleu ciel tournant au grisâtre ; le côté du cou marqué de quatre bandes transversales noires, bordées de blanc d’argent ; la gorge et la poitrine d’un rouge vineux ; le ventre rouge bleuâtre, tirant plus ou moins sur le grisâtre ; les rémiges primaires noirâtres, les secondaires de même teinte, à reflets d’un bleu cendré ; les scapulaires noirâtres, largement rayées de rouge brun ; l’œil jaune brunâtre, entouré d’un cercle rouge bleuâtre ; le bec noir ; les pattes rouge carmin. » (Brehm.) [Note de Wikisource : Buffon évoque à la fin de l’article une tourterelle à collier, qui correspond très probablement à notre tourterelle turque, actuellement Stretopelia decaocto Frivaldszky, et est devenue la forme majoritaire en France.]