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quand on ne leur offre qu’une femelle étrangère. Le biset, le ramier et la tourterelle ne se mêlent pas dans les bois, parce que chacun y trouve la femelle qui lui convient le mieux, c’est-à-dire celle de son espèce propre ; mais il est possible qu’étant privés de leur liberté et de leur femelle ils s’unissent avec celles qu’on leur présente ; et comme ces trois espèces sont fort voisines, les individus qui résultent de leur mélange doivent se trouver féconds et produire par conséquent des races ou variétés constantes : ce ne seront pas des mulets stériles, comme ceux qui proviennent de l’ânesse et du cheval, mais des métis féconds, comme ceux que produit le bouc avec la brebis. À juger du genre columbacé par toutes les analogies, il paraît que dans l’état de nature il y a, comme nous l’avons dit, trois espèces principales et deux autres qu’on peut regarder comme intermédiaires. Les Grecs avaient donné à chacune de ces cinq espèces des noms différents, ce qu’ils ne faisaient jamais que dans l’idée qu’il y avait, en effet, diversité d’espèce : la première et la plus grande est le phassa ou phatta, qui est notre ramier ; la seconde est le péléias, qui est notre biset ; la troisième, le trugon ou la tourterelle ; la quatrième, qui fait la première des intermédiaires, est l’oenas, qui, étant un peu plus grand que le biset, doit être regardé comme une variété dont l’origine peut se reporter aux pigeons fuyards ou déserteurs de nos colombiers ; enfin, la cinquième est le phaps, qui est un ramier plus petit que le phassa, et qu’on a par cette raison appelé palumbus minor, mais qui ne nous paraît faire qu’une variété dans l’espèce du ramier ; car on a observé que, suivant les climats, les ramiers sont plus ou moins grands : ainsi toutes les espèces nominales anciennes et modernes se réduisent toujours à trois, c’est-à-dire à celles du biset, du ramier et de la tourterelle, qui peut-être ont contribué toutes trois à la variété presque infinie qui se trouve dans nos pigeons domestiques.

Les ramiers arrivent dans nos provinces au printemps, un peu plus tôt que les bisets, et partent en automne un peu plus tard : c’est au mois d’août qu’on trouve en France les ramereaux en plus grande quantité, et il paraît qu’ils viennent d’une seconde ponte qui se fait sur la fin de l’été ; car la première ponte, qui se fait de très bonne heure au printemps, est souvent détruite, parce que le nid, n’étant pas encore couvert par les feuilles, est trop exposé. Il reste des ramiers pendant l’hiver dans la plupart de nos provinces ; ils perchent comme les bisets, mais ils n’établissent pas, comme eux, leurs nids dans des trous d’arbres : ils les placent à leur sommet et les construisent assez légèrement avec des bûchettes ; ce nid est plat et assez large pour recevoir le mâle et la femelle. Je suis assuré qu’elle pond de très bonne heure au printemps deux et souvent trois œufs ; car on m’a apporté plusieurs nids où il y avait deux et quelquefois trois ramereaux[1]

  1. M. Salerne dit que « les poulaillers d’Orléans achètent en Berri et en Sologne, dans la saison des nids, une quantité considérable de tourtereaux qu’ils soufflent eux-mêmes