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En effet : 1o les cailles sont constamment plus petites que les perdrix, en comparant les plus grandes races des unes aux plus grandes races des autres, et les plus petites aux plus petites ; 2o elles n’ont point derrière les yeux cet espace nu et sans plumes qu’ont les perdrix, ni ce fer à cheval que les mâles de celles-ci ont sur la poitrine, et jamais on n’a vu de véritables cailles à bec et pieds rouges ; 3o leurs œufs sont plus petits et d’une tout autre couleur ; 4o leur voix est aussi différente, et, quoique les unes et les autres fassent entendre leur cri d’amour à peu près dans le même temps, il n’en est pas de même du cri de colère, car la perdrix le fait entendre avant de se battre, et la caille en se battant[1] ; 5o la chair de celle-ci est d’une saveur et d’une texture toute différente, et elle est beaucoup plus chargée de graisse ; 6o sa vie est plus courte ; 7o elle est moins rusée que la perdrix et plus facile à attirer dans le piège, surtout lorsqu’elle est encore jeune et sans expérience ; elle a les mœurs moins douces et le naturel plus rétif, car il est extrêmement rare d’en voir de privées : à peine peut-on les accoutumer à venir à la voix, étant renfermées de jeunesse dans une cage ; elle a les inclinations moins sociables, car elle ne se réunit guère par compagnies, si ce n’est lorsque la couvée, encore jeune, demeure attachée à la mère, dont les secours lui sont nécessaires, ou lorsqu’une même cause agissant sur toute l’espèce à la fois et dans le même temps, on en voit des troupes nombreuses traverser les mers et aborder dans le même pays ; mais cette association forcée ne dure qu’autant que la cause qui l’a produite, car dès que les cailles sont arrivées dans le pays qui leur convient et qu’elles peuvent vivre à leur gré, elles vivent solitairement. Le besoin de l’amour est le seul lien qui les réunit : encore ces sortes d’union sont-elles sans consistance pendant leur courte durée, car les mâles, qui recherchent les femelles avec tant d’ardeur, n’ont d’attachement de préférence pour aucune en particulier. Dans cette espèce, les accouplements sont fréquents, mais l’on ne voit pas un seul couple ; lorsque le désir de jouir a cessé, toute société est rompue entre les deux sexes[NdÉ 1] : le mâle alors non seulement quitte et semble fuir ses femelles, mais il les repousse à coups de bec et ne s’occupe en aucune

  1. Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  1. L’ardeur en amour de la Caille est tellement grande qu’elle est devenue proverbiale et qu’elle a servi de prétexte à une foule de légendes. Ce qui est exact, c’est que le mâle ne s’accouple pas à la femelle qu’il a fécondée, mais qu’il court aussitôt à de nouvelles amours. « Très probablement, dit Brehm, la caille commune vit en polygamie. Le mâle est un des plus jaloux de tous les gallinacés ; il cherche à expulser de son terrain tous ses rivaux et leur livre des combats à mort. Ainsi que nous venons de le dire, il est despote et violent comme pas un oiseau à l’égard de la femelle ; il la maltraite si elle ne veut se soumettre immédiatement à ses désirs : il s’accouple même avec d’autres oiseaux. Naumann a eu le spectacle d’une caille mâle voulant s’accoupler avec un jeune coucou ; il dit qu’on a vu des mâles en amour se précipiter sur des oiseaux morts, et il regarde comme possible cette ancienne légende, que les cailles s’accouplent avec des crapauds. »