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dans le chant des perdrix[1] ; mais on ne peut en conclure légitimement une différence dans l’espèce. Car la diversité du chant dépend souvent de celle de l’âge et du sexe ; elle a lieu quelquefois dans le même individu, et elle peut être l’effet de quelque cause particulière, et même de l’influence du climat, selon les anciens eux-mêmes, puisque Athénée prétend que les perdrix qui passaient de l’Attique dans la Béotie se reconnaissaient à ce qu’elles avaient changé de cri[2]. D’ailleurs Théophraste, qui remarque aussi quelques variétés dans la voix des perdrix, relativement aux pays qu’elles habitent, suppose expressément que toutes ces perdrix ne sont point d’espèces différentes, puisqu’il parle de leurs différentes voix dans son livre De varia voce Avium ejusdem generis[3].

En examinant ce que les anciens ont dit ou répété de cet oiseau, j’y ai trouvé un assez grand nombre de faits vrais et d’observations exactes, mêlés d’exagérations et de fables, dont quelques modernes se sont moqués[4], ce qui n’était pas difficile, mais dont je me propose ici de rechercher le fondement dans les mœurs et le naturel même de la perdrix.

Aristote, après avoir dit que c’est un oiseau pulvérateur, qui a un jabot, un gésier et de très petits cæcums[5], qui vit quinze ans et davantage[6], qui, de même que tous les autres oiseaux qui ont le vol pesant, ne construit point de nid, mais pond ses œufs à plate terre, sur un peu d’herbe ou de feuilles arrangées négligemment[7], et cependant en un lieu bien exposé et défendu contre les oiseaux de proie ; que dans cette espèce, qui est très lascive, les mâles se battent entre eux avec acharnement dans la saison de l’amour et ont alors les testicules très apparents, tandis qu’ils sont à peine visibles en hiver[8] ; que les femelles pondent des œufs sans avoir eu commerce avec le mâle[9] ; que le mâle et la femelle s’accouplent en ouvrant le bec et tirant la langue[10] ; que leur ponte ordinaire est de douze ou quinze œufs ; qu’elles sont quelquefois si pressées de pondre que leurs œufs leur échappent partout où elles se trouvent[11] ; Aristote, dis-je, après avoir dit

  1. « Aliæ Κακκαβίζουσι, aliæ Τρίζουσι. » Aristote, Historia animalium, lib. iv, cap. ix.
  2. Voyez Gesner, de Avibus, p. 671.
  3. Il est aisé de voir que ces mots, ejusdem generis, signifient ici de la même espèce.
  4. Voyez Willughby, Ornithologia, p. 120.
  5. Aristote, Historia animalium, lib. ii, cap. ultimo ; et lib. vi, cap. iv.
  6. Idem, ibidem, lib. ix, cap. vii. Gaza a mis mal à propos vingt-cinq ans dans sa traduction, erreur qui a été copiée par Aldrovande, Ornithologia, lib. xiii, p. 116, t. II. Athénée fait dire à Aristote que la femelle vit plus longtemps que le mâle, comme c’est l’ordinaire parmi les oiseaux. Voyez Gesner, de Avibus, p. 674.
  7. Aristote, Historia animalium, lib. vi, cap. i.
  8. Idem, ibidem, lib. iii, cap. i.
  9. Idem, ibidem.
  10. Idem, ibidem, lib. v, cap. v. Avicenne a pris de là l’occasion de dire que les perdrix se préparaient par des baisers à des caresses plus intimes, comme les pigeons ; mais c’est une erreur.
  11. Aristote, Historia animalium, lib. ix, cap. viii.