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nourriture abondante qu’ils trouvent dans cette saison est en grande partie consommée par la croissance de ces plumes nouvelles, et ce n’est que quand elles ont pris leur entier accroissement, c’est-à-dire à l’arrivée du printemps, que la surabondance de la nourriture, aidée de la douceur de la saison, les porte à l’amour ; alors toutes les plantes renaissent, les insectes engourdis se réveillent ou sortent de leur nymphe, la terre semble fourmiller de vie ; cette chère nouvelle, qui ne paraît préparée que pour eux, leur donne une nouvelle vigueur, un surcroît de vie qui se répand par l’amour et se réalise par la reproduction.

On croirait qu’il est aussi essentiel à l’oiseau de voler qu’au poisson de nager, et au quadrupède de marcher ; cependant il y a, dans tous ces genres, des exceptions à ce fait général ; et de même que dans les quadrupèdes il y en a, comme les roussettes, les rougettes et les chauves-souris, qui volent et ne marchent pas, d’autres qui, comme les phoques, les morses et les lamantins, ne peuvent que nager, ou qui, comme les castors et les loutres, marchent plus difficilement qu’ils ne nagent ; d’autres enfin qui, comme les paresseux, peuvent à peine se traîner. De même, dans les oiseaux, on trouve l’autruche, le casoar, le dronte, le thouyou, etc., qui ne peuvent voler et sont réduits à marcher ; d’autres, comme les pingoins, les perroquets de mer, etc., qui volent et nagent, mais ne peuvent marcher ; d’autres qui, comme les oiseaux de paradis, ne marchent ni ne nagent, et ne peuvent prendre de mouvement qu’en volant. Seulement il paraît que l’élément de l’eau appartient plus aux oiseaux qu’aux quadrupèdes ; car, à l’exception d’un petit nombre d’espèces, tous les animaux terrestres fuient l’eau, et ne nagent que quand ils y sont forcés par la crainte ou par le besoin de nourriture : au lieu que dans les oiseaux il y a une grande tribu d’espèces qui ne se plaisent que sur l’eau, et semblent n’aller à terre que par nécessité et pour des besoins particuliers, comme celui de déposer leurs œufs hors de l’atteinte des eaux, etc., et ce qui démontre que l’élément de l’eau appartient plus aux oiseaux qu’aux animaux terrestres, c’est qu’il n’y a que trois ou quatre quadrupèdes qui aient des membranes entre les doigts des pieds ; au lieu qu’on peut compter plus de trois cents oiseaux pourvus de ces membranes qui leur donnent la facilité de nager. D’ailleurs, la légèreté de leurs plumes et de leurs os, la forme même de leur corps, contribuent prodigieusement à cette plus grande facilité ; l’homme est peut-être, de tous les êtres, celui qui fait le plus d’efforts en nageant, parce que la forme de son corps est absolument opposée à cette espèce de mouvement ; dans les quadrupèdes, ceux qui ont plusieurs estomacs ou de gros et longs intestins nagent, comme plus légers, plus aisément que les autres, parce que ces grandes cavités intérieures rendent leur corps spécifiquement moins pesant ; les oiseaux dont les pieds sont des espèces de rames, dont la forme du corps est oblongue, arrondie