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De la même manière que la nature a donné aux quadrupèdes qui fréquentent les eaux, ou qui habitent les pays froids, une double fourrure et des poils plus serrés, plus épais, de même tous les oiseaux aquatiques et ceux des terres du nord sont pourvus d’une grande quantité de plumes et d’un duvet très fin, en sorte qu’on peut juger, par cet indice, de leur pays natal et de l’élément auquel ils donnent la préférence. Dans tous les climats, les oiseaux d’eau sont à peu près également garnis de plumes, et ils ont près de la queue de grosses glandes, des espèces de réservoirs d’une matière huileuse dont ils se servent pour lustrer et vernir leurs plumes : ce qui, joint à leur épaisseur, les rend imperméables à l’eau, qui ne peut que glisser sur leur surface ; les oiseaux de terre manquent de ces glandes, ou les ont beaucoup plus petites.

Les oiseaux presque nus, tels que l’autruche, le casoar, le dronte, ne se trouvent que dans les pays chauds ; tous ceux des pays froids sont bien fourrés et bien couverts ; les oiseaux de haut vol ont besoin de toutes leurs plumes pour résister au froid de la moyenne région de l’air. Lorsqu’on veut empêcher un aigle de s’élever trop haut et de se perdre à nos yeux, il ne faut que lui dégarnir le ventre ; il devient dès lors trop sensible au froid pour s’élever à cette grande hauteur.

Tous les oiseaux, en général, sont sujets à la mue comme les quadrupèdes ; la plus grande partie de leurs plumes tombent et se renouvellent tous les ans, et même les effets de ce changement sont bien plus sensibles que dans les quadrupèdes ; la plupart des oiseaux sont souffrants et malades dans la mue, quelques-uns en meurent, aucun ne produit dans ce temps ; la poule la mieux nourrie cesse alors de pondre, la nourriture organique qui auparavant était employée à la reproduction se trouve consommée, absorbée et au delà par la nutrition de ces plumes nouvelles, et cette même nourriture organique ne redevient surabondante que quand elles ont pris leur entière croissance. Communément c’est vers la fin de l’été et en automne que les oiseaux muent[1] ; les plumes renaissent en même temps, la

    non pas par aucune dissolution, parce que quelques-uns de ces doubles, qui étaient creux d’un côté et bossus de l’autre, étaient tellement usés et luisants du côté de la bosse, qu’il n’y paraissait plus rien de la figure de la monnaie qui était demi-usée, et entière de l’autre côté que la cavité avait défendu du frottement ; il est certain que cette cavité n’eût pas garanti le côté où elle était de l’action d’un esprit dissolvant. Mémoires pour servir à l’Histoire des animaux, t. I, p. 139 et 140. — Une pistole d’or d’Espagne, avalée par un canard, avait perdu seize grains de son poids lorsqu’il l’a rendue. Collec. Acad. partie étrangère, t. V, p. 105.

  1. Les oiseaux domestiques, comme les poules, muent ordinairement en automne ; et c’est avant la fin de l’été que les faisans et les perdrix entrent dans la mue : ceux qu’on garde en parquet dans les faisanderies muent immédiatement après leur ponte faite. Dans la campagne, c’est vers la fin de juillet que les perdrix et les faisans subissent ce changement ; seulement les femelles qui ont des petits entrent dans la mue quelques jours plus tard. Les canards sauvages muent aussi avant la fin de juillet. Ces remarques m’ont été données par M. Leroy, lieutenant des chasses à Versailles.