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tères principaux ; de décider, par exemple, que l’attribut négatif de n’avoir ni crête ni membrane soit plus essentiel que celui d’avoir la tête de telle ou telle forme, de telle ou telle grosseur, et de prononcer que tous les oiseaux qui se ressemblent par des caractères choisis arbitrairement doivent aussi se ressembler dans leurs véritables propriétés ?

Au reste, en refusant à l’éperonnier le nom de paon de la Chine, je ne fais que me conformer au témoignage des voyageurs, qui assurent que, dans ce vaste pays, on ne voit de paons que ceux qu’on y apporte des autres contrées[1].

L’éperonnier a l’iris des yeux jaune, ainsi que l’espace entre la base du bec et l’œil, le bec supérieur rouge, l’inférieur brun foncé et les pieds d’un brun sale : son plumage est d’une beauté admirable ; la queue est, comme je l’ai dit, semée de miroirs ou de taches brillantes de forme ovale, et d’une belle couleur de pourpre avec des reflets bleus, vert et or ; ces miroirs font d’autant plus d’effet qu’ils sont terminés et détachés du fond par un double cercle, l’un noir et l’autre orangé obscur ; chaque penne de la queue a deux de ces miroirs accolés l’un à l’autre, la tige entre deux, et malgré cela, comme cette queue a infiniment moins de plumes que celle du paon, elle est beaucoup moins chargée de miroirs ; mais, en récompense, l’éperonnier en a une très grande quantité sur le dos et sur les ailes, où le paon n’en a point du tout ; ces miroirs des ailes sont ronds, et comme le fond du plumage est brun, on croirait voir une belle peau de marte zibeline enrichie de saphirs, d’opales, d’émeraudes et de topazes.

Les plus grandes pennes de l’aile n’ont point de miroirs ; toutes les autres en ont chacune un, et quel qu’en soit l’éclat, leurs couleurs, soit dans les ailes, soit dans la queue, ne pénètrent point jusqu’à l’autre surface de la penne, dont le dessous est d’un sombre uniforme.

Le mâle surpasse en grosseur le faisan ordinaire ; la femelle est d’un tiers plus petite que le mâle, et paraît plus leste et plus éveillée ; elle a, comme lui, l’iris jaune, mais point de rouge dans le bec, et la queue beaucoup plus petite : quoique ses couleurs approchent plus de celles du mâle que dans l’espèce des paons et des faisans, cependant elles sont plus mates, plus éteintes, et n’ont point ce lustre, ce jeu, ces ondulations de lumière qui font un si bel effet dans les miroirs du mâle[2].

Cet oiseau était vivant à Londres l’année dernière, d’où M. le chevalier Codrington en a envoyé des dessins coloriés à M. Daubenton le jeune.


  1. Navarette, Description de la Chine, p. 40 et 42.
  2. Voyez Edwards, planches lxvii et lxix.