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même, le faisan s’est accouplé avec les poules ordinaires, et il en a résulté des œufs pointillés de noir comme ceux de la faisane, mais beaucoup plus gros, lesquels ont produit des bâtards qui participaient des deux espèces, et qui étaient même, selon quelques-uns, plus délicats et meilleurs au goût que les légitimes, mais incapables, à ce qu’on dit, de perpétuer leur race, quoique, selon Longolius, les femelles de ces mulets, jointes avec leur père, donnent de véritables faisans. On a encore observé de ne donner au coq faisan que des poules qui n’avaient jamais été cochées, et même de les renouveler à chaque couvée, soit pour exciter davantage le faisan (car l’homme juge toujours des autres êtres par lui-même), soit parce qu’on a prétendu remarquer que, lorsque les mêmes poules étaient fécondées une seconde fois par le même faisan, il en résultait une race dégénérée[1].

On dit que le faisan est un oiseau stupide, qui se croit bien en sûreté lorsque sa tête est cachée, comme on l’a dit de tant d’autres, et qui se laisse prendre à tous les pièges. Lorsqu’on le chasse au chien courant, et qu’il a été rencontré, il regarde fixement le chien tant qu’il est en arrêt, et donne tout le temps au chasseur de le tirer à son aise[2] : il suffit de lui présenter sa propre image, ou seulement un morceau d’étoffe rouge sur une toile blanche, pour l’attirer dans le piège ; on le prend encore en tendant des lacets ou des filets sur les chemins où il passe le soir et le matin pour aller boire ; enfin on le chasse à l’oiseau de proie, et l’on prétend que ceux qui sont pris de cette manière sont plus tendres et de meilleur goût[3]. L’automne est le temps de l’année où ils sont le plus gras : on peut engraisser les jeunes dans l’épinette ou avec la pompe, comme toute autre volaille ; mais il faut bien prendre garde, en leur introduisant la petite boulette dans le gosier, de ne leur pas renverser la langue, car ils mourraient sur-le-champ.

Un faisandeau bien gras est un morceau exquis, et en même temps une nourriture très saine : aussi ce mets a-t-il été de tout temps réservé pour la table des riches ; et l’on a regardé comme une prodigalité insensée la fantaisie qu’eut Héliogabale d’en nourrir les lions de sa ménagerie.

Suivant Olina et M. Leroy, cet oiseau vit comme les poules communes, environ six à sept ans[4] ; et c’est sans aucun fondement qu’on a prétendu connaître son âge par le nombre des bandes transversales de sa queue.


  1. Voyez Longolius, Dialog. de Avibus. — Journal économique, septembre 1753. — Maison rustique, t. Ier, p. 135.
  2. Olina, Uccellaria, p. 77.
  3. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 57.
  4. Olina, Uccellaria, p. 49.