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ront de s’écarter beaucoup. On a coutume de réunir trois ou quatre couvées à peu près de même âge pour n’en former qu’une seule bande capable d’occuper la mère, et à laquelle elle puisse suffire.

On les nourrit d’abord, comme on nourrit tous les jeunes poussins, avec un mélange d’œufs durs, de mie de pain et de feuilles de laitue, hachés ensemble, et avec des œufs de fourmis de prés ; mais il y a deux attentions essentielles dans ces premiers temps : la première est de ne les point laisser boire du tout, et de ne les lâcher chaque jour que lorsque la rosée est évaporée, vu qu’à cet âge toute humidité leur est contraire ; et c’est, pour le dire en passant, une des raisons pourquoi les couvées des faisans sauvages ne réussissent guère dans notre pays ; car ces faisans, comme je l’ai remarqué plus haut, se tenant par préférence dans les lieux les plus frais et les plus humides, il est difficile que les jeunes faisandeaux n’y périssent : la seconde attention qu’il faut avoir, c’est de leur donner peu et souvent, et dès le matin, en entremêlant toujours les œufs de fourmis avec les autres aliments.

Le second mois, on peut déjà leur donner une nourriture plus substantielle : des œufs de fourmis de bois, du turquis, du blé, de l’orge, du millet, des fèves moulues, en augmentant insensiblement la distance des repas.

Ce temps est celui où ils commencent à être sujets à la vermine : la plupart des modernes recommandent, pour les en délivrer, de nettoyer la boîte et même de la supprimer entièrement, à l’exception de son petit toit, que l’on conserve pour leur servir d’abri ; mais Olina donne un conseil qui avait été indiqué par Aristote, et qui me paraît mieux réfléchi et plus conforme à la nature de ces oiseaux ; ils sont du nombre des pulvérateurs, et ils périssent lorsqu’ils ne se poudrent point[1]. Olina veut donc qu’on mette à leur portée de petits tas de terre sèche ou de sablon très fin, dans lesquels ils puissent se vautrer et se délivrer ainsi des piqûres incommodes des insectes[2].

Il faut aussi être très exact à leur donner de l’eau nette et à la leur renouveler souvent : autrement ils courraient risque de la pépie, à laquelle il y aurait peu de remède, suivant les modernes, quoique Palladius ordonne tout uniment de la leur ôter comme on l’ôte aux poulets, et de leur frotter le bec avec de l’ail broyé dans de la poix liquide.

Le troisième mois amène de nouveaux dangers : les plumes de leur queue tombent alors, et il leur en pousse de nouvelles ; c’est une espèce de crise pour eux comme pour les paons : mais les œufs de fourmis sont encore ici une ressource, car ils hâtent le moment critique et en diminuent le danger, pourvu qu’on ne leur en donne pas trop, car l’excès en serait pernicieux.

À mesure que les jeunes faisandeaux deviennent grands, leur régime approche davantage de celui des vieux et, dès la fin du troisième mois, on peut les lâcher dans l’endroit que l’on veut peupler ; mais tel est l’effet de

  1. Aristote, Historia animalium, lib. v, cap. xxxi.
  2. Olina, Uccellaria, p. 49.